2021 M01 19
Si les araignées le font, pourquoi pas les êtres humains ? Certaines espèces d’arachnides récoltent en effet dans leurs toiles patiemment tissées les gouttes de rosée ou l’humidité du brouillard, pour se rassasier en eau. Exemple de biomimétisme dans son expression la plus simple, une association marocaine (Dar Si Hmad) a installé en 2018, avec l’aide d’une entreprise allemande, des filets permettant de récolter le brouillard s’accumulant chaque nuit dans les montagnes, alors que ces dernières sont très avares en pluie durant la journée.
It was an honor to present our fog harvesting project to the Governor of the province of Sidi Ifni, during his visit to the site yesterday, Thursday, October 15.#DarSiHmad #Development #Education #Culture #Fogprpject #FogHarvesting #SidiIfni #AitBaamran #Guelmim #Morocco pic.twitter.com/Fskd5reptG
— Dar Si Hmad (@DarSiHmad) October 16, 2020
Des filets en polyéthylène sont ainsi placés face au vent à flanc de montagne, la brume se condense sur leurs mailles, puis les gouttelettes accumulées sont récoltées dans un réservoir. L’eau descend ensuite vers quelques villages dans le besoin. Ainsi expliqué, le concept paraît plutôt simple. Cependant, la technologie initiale a été récemment revisitée par Peter Trautwein, designer industriel allemand chez Aqualonis, avec l'aide du MIT, expliquent les aventuriers de la mission Energy Observer.
"Il a étendu et modifié le dispositif et mis en place de nouveaux filets plus efficients. Désormais, 1700 m2 de filets captent jusqu’à 37 000 litres d’eau par jour de brouillard. C’est le plus grand système de récolte d’eau de brouillard opérationnel au monde." Cinq villages, totalisant une population d’environ 1000 personnes, disposent désormais d’eau courante, une petite révolution dans ces contreforts escarpés. "Cette eau permet notamment aux femmes d’échapper aux quatre heures de labeur quotidien que leur imposaient les corvées d’eau", précise-t-on.
Nom de code : "pêcheur de nuages"
Si c’est maintenant la plus importante, ce n’est pas la première expérience de ce genre dans le monde. Des filets avaient déjà été mis en place il y a une vingtaine d’années en Amérique du Sud (Chili, Pérou), puis des tests ont été conduits au Népal, sur les Îles Canaries, en Érythrée et en Californie. Aqualonis a créé le présent système dès 2016, appelé poétiquement le "Cloud Fisher" (Pêcheur de nuages), destiné aux régions montagneuses et côtières sèches, où le brouillard épais est fréquent. Lors de la genèse du projet, Aqualonis estimait que plus de 36 000 litres d’eau pouvaient être récoltés les jours de fort brouillard.
L’entreprise a d’abord installé ses "pêcheurs" en Tanzanie, mais c’est dans la zone montagneuse de Sidi Ifni, sur la côte Atlantique du Maroc, que l’ingéniosité de ces attrape-brouillard désormais améliorés a obtenu le prix Momentum for Change, décerné par les Nations Unies lors de la COP22. Les améliorations de Peter Trautwein permettent à un filet de 4 mètres sur 10 de collecter 250 litres d’eau par jour, soit les besoins quotidiens d’une famille entière.
« Postés sur les hauteurs du mont Boutmezguida, les filets regardent vers l’horizon et l’océan Atlantique. »
"Postés sur les hauteurs du mont Boutmezguida, les filets regardent vers l’horizon et l’océan Atlantique. Ils attendent patiemment la fin de la journée. Alors, la brume de mer s’élèvera et, se transformant en un épais brouillard, viendra déposer dans leurs mailles de précieuses gouttelettes d’eau. Elles permettront aux villages en contrebas de disposer d’une eau pure." Quand les explorateurs de solutions d'Energy Observer se font poètes, on écoute et on regarde la planète guérir et s’améliorer.
Premier ambassadeur français des Objectifs de Développement Durable de l’ONU, la mission Energy Observer sensibilise aux solutions innovantes avec son bien-nommé projet "Solutions". Mais Energy Observer, c’est avant tout le nom du premier navire autonome en énergie, à la fois plaidoyer et laboratoire de la transition écologique. Toutes les informations sur le projet sont à découvrir ici.