eoliennes groenland (pexels)

Des Belges vont installer 10 000 éoliennes au Groenland pour recharger l’Europe

Ce n'est pas une blague : selon ces chercheurs c'est un spot idéal pour alimenter toute l’Europe en énergie bas carbone. Une idée folle ? Oui, jusqu’à ce que le cours de l’électricité le rende valable.
  • Puisque vous n’irez pas y passer vos vacances, présentons le Groenland : cette île de l’Océan Atlantique est située en l’Amérique du Nord, mais elle est rattachée politiquement au royaume du Danemark. C’est donc un territoire… européen. Et si vous y allez ces temps-ci, vous risquez de croiser des Belges. Voilà 2 ans que ces chercheurs de l’Université de Liège ont lancé le projet Katabata. Son objectif ? Implanter une dizaine de milliers d’éoliennes au sud-est du Groenland. Au moins, personne ne se plaindra qu'elles gâchent la vue...

    « L’endroit le plus venteux du monde » ?

    Les scientifiques belges émettent deux bonne raisons à ce choix. Alors que les courants de vents subissent l’influence néfaste du dérèglement climatique (tel le gulf stream qui tend à quitter nos latitudes, accentuant les sécheresses), ceux du Groenland n’a pas ce problème. L’autre bonne nouvelle c’est que ce pays danois est, comme l’affirme le professeur Damien Ernst, « un des endroits les plus venteux du monde ».

    Le Groenland possède quelques montagnes culminant à 3 000 mètres d’altitude et bénéficie de deux types de vents. L’un résulte des masses d’air débouchant sur la calotte glaciaire ; l’autre, local, souffle du nord vers le sud. Et les deux s’additionnent, donnant des vitesses idéales. 

    En moyenne, il souffle constamment à 60 km/h et les rafales dépassent 100 km/h. Xavier Fettweis, le météorologue du projet, évalue le potentiel éolien comme trois fois plus élevé qu’en Mer du Nord où se situent les meilleurs parcs éoliens actuels, déjà doublement plus puissants que les parcs à terre. C'est comme si on venait de trouver un fabuleux gisement de pétrole qui ne polluera jamais. 

    The answer is blowing in the wind

    Pour s’en rendre compte, l’équipe de Katabata a conçu une simulation qui recrée les mouvements des vents sur place. Puis l’ingénieur informaticien Michaël Fonder s’est rendu sur place en voilier, en 2020 pour vérifier. Des stations météo ont depuis été bâties et les mesures prises par leurs anémomètres ont confirmé la justesse de la simulation à 90 %. Mais ce n’est pas le vent qui nous intéresse tous, c’est l’énergie. 

    Selon les calculs des chercheurs, une éolienne au Groenland pourrait donner le maximum de sa puissance 80 % du temps. Un critère déterminant dans les énergies intermittentes, qu’on appelle le facteur de charge. Comparativement, sur une éolienne standard, ce facteur est de 25 %... 

    Les éoliennes du Groeland seraient donc très rentables ce qui permet à Katabata d’évaluer que la production annuelle de 10 000 éoliennes autour de 220 TWh. Soit pratiquement la moitié de toute la consommation annuelle française (RTE comptabilisait environ 460 TWh en 2020 et en 2021). Mais pour en profiter il va falloir mettre le paquet.

    Une prise au bout du courant
     
    Produire l’électricité est une chose, mais il faudra l’exporter. Si le Groenland est plus proche de l’Europe que l’Amérique (en passant par l’Arctique), des pertes sont inévitables sur plus de 3000 kilomètres de câble. C’est pourquoi Katabata envisage plutôt de stocker l’énergie produite en passant par une transformation, par exemple en méthane ou en hydrogène, plus aisés à transporter ensuite.

    Pour que cette histoire belge ait une chute plaisante, il va falloir trouver un investisseur capable de débourser  10 milliards d’euros environ, et un constructeur pour faire des éoliennes qui supporte des vents dépassant 100 km/h. Mais Damien Ernst n’y voit pas un blocage ; au contraire, Katabata pourrait bien devenir un pivot pour l’éolien en Europe et Groenland faire boule de neige dans le monde.

    Crédits photos : Pexels / Dominique Müller / Talal Hakim