2020 M11 17
Henri-Pierre Roche le lâche d’entrée de jeu. “Moi, je suis un anti-nucléaire, alors les éoliennes, j’adore.” Dans le contexte actuel actuel, ça tombe plutôt bien. Car l’éolien est en plein essor. Dans le cadre de sa loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, promulguée en 2015, l’État s’est en effet engagé à atteindre 40 % de la production d’électricité d’origine renouvelable à horizon 2030. Depuis quelques années, les turbines géantes sortent de terre à tout bout de champ dans l’hexagone. Ce qui devrait donc logiquement réjouir Henri-Pierre Roche.
Sauf que le “quadra presque quinqua”, comme il se décrit avec coquetterie, est ornithologue. Et qu’il a officié pendant plus d’une décennie à la LPO, la Ligue de protection des oiseaux. Celle-là même qui n’hésite pas à voler dans les plumes des exploitants de parcs concernant la mortalité de l’avifaune imputable aux éoliennes. Ce n’est pas tant le nombre de volatiles tués qui inquiète que leurs genres : sur les 97 espèces retrouvées mortes au pied des turbines, 75 % sont officiellement protégées en France. Roitelets à triple bandeau, martinets noirs, faucons crécerelles et mouettes rieuses sont les plus décimés.
Caméras HD et avertisseurs sonores
“Lorsque j’ai pris conscience que les oiseaux se faisaient découper en rondelles par les éoliennes, je me suis dit qu’il fallait trouver une solution pour que leur déploiement ne se traduise pas par une hécatombe sur l'avifaune”, confie Henri-Pierre Roche. En parallèle de ses activités professionnelles, le naturaliste bûche sur cette quadrature du cercle. Il fait breveter une solution au début des années 2010, qu’il continue de développer avant de prendre son envol en créant sa start-up Biodiv-Wind en 2014.
Le système de détection automatisée en temps réel de la faune volante, inventé par l’ornithologue devenu entrepreneur, s’appuie sur le seul logiciel de traitement vidéo capable à ce jour de détecter et suivre des cibles mobiles même quand elles se déplacent entre des pales en rotation. “Les 8 caméras HD et les 4 avertisseurs sonores fixés sur le mât sont reliés à une unité informatique qui analyse en temps réel et en continu les flux vidéo reçus, afin de détecter les intrusions éventuelles de volatiles. Le système engage alors des actions d’effarouchement ou d’arrêt des pâles, qui repartent lorsque les oiseaux sont sortis de la zone de risque”, détaille Henri-Pierre Roche.
Le mariage de geeks et de naturalistes
“Au début, les exploitants des parcs nous percevaient comme ceux qui veulent faire arrêter les éoliennes, bref comme des gêneurs, poursuit-il. Mais avec le durcissement continu de la législation pour la protection de la nature, ils nous voient aujourd’hui au contraire comme ceux qui permettent de faire redémarrer les éoliennes en un clin d'œil tout en diminuant le risque d’impact environnemental.”
Après six ans d’existence, Biodiv-Wind compte trente salariés, “dont un tiers de geeks et un quart d’experts en écologie et naturalistes”. La start-up basée à Béziers, dans l’Hérault, a déjà équipé plus de 200 éoliennes dans une dizaine de pays. Et elle vient de lever 800.000 euros pour investir dans l'intelligence artificielle et parfaire encore sa technologie. Du coup, Henri-Pierre Roche se sentirait presque pousser des ailes : d’ici à cinq ans, il en est persuadé, son dispositif équipera toutes les éoliennes. Histoire de clouer définitivement le bec à tous ceux qui prétendent que ces machines sont de redoutables miroirs aux alouettes pour les oiseaux.