Jane Goodall, la femme qui murmurait à l’oreille des chimpanzés

Soixante ans que Jane Goodall étudie les chimpanzés… Un métier-passion, devenu un combat, celui de la protection de nos cousins les plus proches. Hier, dimanche 3 avril, nous fêtions ses 88 ans. L'occasion de faire un retour sur le destin d'une femme persuadée que l’homme est un singe comme les autres.
  • Elle a révolutionné l’éthologie (la science du comportement des animaux dans leur milieu naturel) en allant vivre plusieurs mois avec un groupe de chimpanzés tanzaniens, en 1960. L’étude que Jane Goodall a débuté cette année-là, alors qu’elle n’avait que 26 ans, est devenue la plus longue étude de terrain des animaux sauvages dans leur environnement naturel.

    Elle a observé des comportements qui n’avaient jamais été observés et elle a dédié sa vie à la protection des chimpanzés et de la nature. C'est ainsi que Jane Goodall a participé au changement du regard que nous posions sur nos cousins les plus proches, et sur la nature en général. 

    Une rencontre décisive 

    Valérie Jane Morris-Goodall est née il y a pile 88 ans, le 3 avril 1934 à Londres, en Angleterre. Et sa passion pour les primates a commencé très (très) tôt. Elle n’a pas encore deux ans quand son père lui offre une peluche à l’effigie d’un bébé chimpanzé né au zoo de Londres… Et déjà, c’est le coup de foudre.

    En grandissant, Jane ne nourrit qu’un seul rêve : aller en Afrique pour vivre avec les animaux. Au journal La Croix qui l’interviewait l’année dernière sur sa vie en Afrique, l'éthologue a expliqué : 

    « Il n’y a rien de courageux ou d’audacieux. C’est juste ce que je voulais faire. Et j’ai réussi à le faire, avec un peu de chance et de persévérance, et grâce à une mère exceptionnelle qui m’a soutenue. »

    En effet, malgré le caractère utopique de ce rêve, sa mère, romancière, lui répète souvent : « Jane, si tu veux vraiment quelque chose, si tu travailles dur, si tu saisis chaque opportunité et que tu n’abandonnes pas, alors d’une façon ou d’une autre, tu y arriveras. ».

    Seulement voilà, après le lycée, Jane n’a pas les moyens de faire des études supérieurs. C’est grâce à une amie qui l’invite à venir passer des vacances avec sa famille au Kenya que la jeune femme découvre pour la première fois le continent africain, en 1957. Lors de ce voyage, Jane Goodall rencontre un éminent anthropologue et paléontologue, le Dr Louis S. B. Leakey.

    © Leakey Foundation

    Impressionné par les connaissances de la jeune femme, il lui fait une offre que Jane ne peut évidemment pas refuser : devenir son assistante et l’accompagner sur des fouilles archéologiques en Tanzanie.

    Des noms plutôt que des numéros

    C’est auprès du Dr Leakey que Jane va commencer à étudier les chimpanzés sauvages, près du lac Tanganyika (en Tanzanie toujours). Le scientifique a toujours voulu observer ces animaux plus longuement, persuadé qu'il reste à leur sujet plein de choses à découvrir. Il propose donc à Jane de mener une étude, sur plusieurs mois. 

    Le rêve se réalise enfin : après une petite bataille avec le gouvernement Britannique, Jane Goodall obtient l’autorisation de rester vivre auprès des chimpanzés de la réserve naturelle de Gombe. 

    © Flickr kafka4prez

    Il faudra deux ans à la jeune femme pour gagner la confiance des chimpanzés sauvages et créer un lien avec le groupe qu'elle observe. Elle les nomme, avec des prénoms et non des numéros, car elle est persuadée que chaque animal possède sa propre personnalité. Et à l’époque, penser que les animaux ont une conscience fait déjà de Jane Goodall une pionnière. 

    D’ailleurs, à force de temps et de patience, la jeune Anglaise va observer des comportements inédits. Déjà, elle constatera que les chimpanzés mangent parfois de la viande. Surtout, Jane va être la première à observer un singe attraper des termites au sein même de la termitière à l’aide d’une longue tige. L’homme n’est donc pas le seul être intelligent capable de fabriquer des outils ? C’est une révolution. 

    Redéfinir la notion d’homme

    « Maintenant, nous devons redéfinir la notion d’homme, la notion d’outil, ou alors accepter le chimpanzé comme humain », estima le Dr Leakey après les découvertes de la jeune femme.

    Jane Goodall fut longtemps critiquée, car elle n’avait pas de diplômes et qu’elle refusait de considérer les animaux comme des sujets de laboratoires. Finalement, elle sera acceptée à l’Université de Cambridge d’où elle sortira en 1965 avec un Doctorat en éthologie. 

    ©  Flickr Steve Jurvetson

    Rapidement, Jane réalise l’importance de sensibiliser les gens à la cause des chimpanzés. En 1977, elle crée sa fondation, l’Institut Jane Goodall pour la Recherche de la faune, l’Éducation et la Conservation. Voilà 60 ans que cette pionnière passionnée se bat, pour les grands singes, pour l’environnement, mais aussi pour la paix. 

    L'éthologue a reçu de nombreuses distinctions pour son engagement et son travail. Elle a notamment été nommée Commandeur de l’Empire britannique par la reine Elizabeth II, en 1995, puis Dame Commandeur en 2004. Deux ans plus tôt, en 2002, elle est également devenue Messagère de la Paix auprès Nation Unies. 

    L’espoir, toujours

    Activiste née, Jane Goodall ne compte pas ranger son tablier de militante. L’année dernière, elle publiait un ouvrage intitulé Le livre de l’espoir (aux Éditions Flammarion). Interviewée par Nathalie Mayer de Futura Sciences en février dernier, elle déclarait : 

    « Nous avons encore trop tendance à oublier que nous faisons partie intégrante du règne animal. Que l'Homme n'est qu'un animal parmi les autres. Et malgré une intelligence à nulle autre pareille, nous en arrivons aujourd'hui à détruire notre Terre. Notre maison. La seule que nous ayons . »

    Aujourd’hui, c’est son anniversaire. À 88 ans, elle continue de se battre pour la planète et les êtres qui l’habitent. Réaliste face à l’urgence climatique et la souffrance animale, jamais elle ne se défait de son étincelant optimiste. Selon elle, « une alliance est encore possible entre les humains et les écosystèmes ».

    La scientifique en est sûre, il faut définir un nouveau code moral universel… Mais par où commencer ? D’abord, s’interroger sur sa façon de consommer. Avant d’acheter quelque chose, posez-vous deux questions : que se cache-t-il derrière son prix ? Est-il, dans sa composition ou sa fabrication, nocive pour l’environnement ?

    Autre action importante à mener pour la planète : décider de réduire sa consommation de viande. « C'est vraiment parmi les engagements les plus forts qu'un individu peut prendre pour la planète.  » estime la primatologue. 

    Force est de constater que le travail de Jane Goodall pour sauver les chimpanzés est loin d’être fini… Aujourd’hui, notre cousin le plus proche est classé sur la liste des espèces « en danger » de l’UICN

    Ils étaient 2 millions au début du XXe siècle, mais aujourd’hui, à cause du braconnage et de la destruction de leur habitat naturel, seuls 500 000 chimpanzés vivent encore à l’état sauvage.

    Vous pouvez soutenir le travail de la Fondation Jane Goodall - et faire un joli cadeau d'anniversaire à cette femme extraordinaire - en faisant un don. Pour que perdure le message de cette pionnière qui a dédié sa vie à une chose :  « Créer un monde où nous pouvons vivre en harmonie avec la nature. »

    Image de Une : © Michel Neugebauer 

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