2021 M12 20
Avec modération ?
Selon une enquête de Santé publique France (SPF) sur la consommation d’alcool, 13,4 % des 18-24 ans reconnaissent être ivres au moins 10 fois par an. Au pays du vin et des craft-beers, ce phénomène ne surprend plus, bien que les autorités rappellent que l’alcool est lié à 41 000 décès par an.
La pandémie n’a rien amélioré : 11 % des Français boivent plus depuis le confinement et 27 % fument plus. Normal, estime Viêt Nguyen Thanh, le responsable de l’unité des addictions de SPF : « L'ennui, le manque d'activité, le stress et le plaisir sont les principales raisons mentionnées par les fumeurs ou usagers d’alcool ayant augmenté leur consommation ».
[#Alcool] Nouveaux chiffres sur la consommation d’alcool en France publiés dans le #BEH
— SantépubliqueFrance (@SantePubliqueFr) November 10, 2021
➡️ En 2020, 23,7% des Français de 18 à 75 ans dépassaient les repères de consommation
d’alcool
➡️ Les hommes davantage concernés par ce dépassement https://t.co/2CYOAI4pQo pic.twitter.com/hnQ0wx0SGO
En fait, le tabac et l’alcool sont directement corrélés à la gestion de l'anxiété et de la dépression. Un point déjà démontré dès les années 70 par le professeur Harvey Milkman et mis en application en Islande où le psychologue américain a sauvé la jeunesse locale.
Une vraie métamorphose
Dans les années 90, les jeunes Islandais buvaient énormément, de façon régulière, avant de roder en ville tard dans la nuit. Plus de 40 % des 15-16 ans avaient pris une cuite au cours du mois, rapporte The Atlantic. Près d’1 sur 4 fumait régulièrement, et 17 % d’entre eux ajoutaient des joints. Pourtant, 20 ans plus tard, ils ne sont plus que 5 % à avoir été ivres au cours des 30 derniers jours. À peine 3 % continuent de griller des cigarettes et 7 % seulement reconnaissent s’être essayés au cannabis.
Milkman a commencé à exercer à New York il y a 40 ans quand de plus en plus de jeunes prenaient du LSD et fumaient des joints. Dans sa thèse, il note que c’est leur appréhension du stress qui détermine la drogue qu’ils prennent : l’héroïne et l’alcool pour y échapper, les amphétamines et le tabac pour le braver frontalement… En fait on s’intoxique moins pour l’effet narcotique que parce qu’il souligne ce qu’on ressent déjà face au stress. « Alors pourquoi ne pas orchestrer un mouvement social autour des défonces naturelles ? » s’est demandé le psychologue, « car il semble évident que les gens veulent changer leur niveau conscience, sans avoir les effets délétères des drogues ».
L’Alchimie de la vie
À Denver, Harvey Milkman lança un programme pour aider les ados non pas à décrocher, mais à se découvrir. « On leur disait, nous allons vous apprendre ce que vous voulez : la musique, la danse, le hip hop, l’art, les arts martiaux... » Que ce soit en provoquant l’excitation ou la détente, ces activités (associés à des conseils de vie pour se remotiver) déclenchaient des hormones qui modifient chimiquement leur appréhension des choses et de leurs relations. Le programme imposait de suivre ces consignes pendant 3 mois ; certains ados ont continué pendans 5 ans.
Le succès de Denver attira les autorités islandaises. Milkman vint tenir quelques conférences. Puis il fut invité par l’université de Reykjavik à conduire une étude sur les comportements à risque des ados locaux. Ils réalisèrent que ceux qui avaient régulièrement des activités de groupes (clubs, associations, sports), ou qui passaient du temps avec leurs parents étaient mieux protégés des dérives. La route était toute tracée.
La vie sans filtre : mode d'emploi
Le gouvernement Islandais vota l’interdiction d’acheter du tabac pour les moins de 18 ans et de l’alcool jusqu’à 20 ans. La publicité pour ces deux produits fut interdite. Les parents durent signer une charte d’engagements à tenir pour renforcer leur implication dans l’éducation des enfants et passer plus de temps avec leurs enfants, échanger plus et rester plus soudés le soir plutôt que de laisser les jeunes entre eux. Un couvre-feu à 22 h fut même mis en place pour les moins de 16 ans.
L’Islande a construit des skateparks, tables de ping-pong, pistes d’athlétisme et autres piscines chauffées… Elle a débloqué des fonds pour développer les associations culturelles et sportives et subventionné les ados qui voulaient s’y inscrire en versant près de 250 € sur leur "Leisure Card", un compte dédié aux loisirs.
Les résultats, vous les connaissez déjà. Et, à ce jour, la tendance bénéfique se maintient. Les ados continuent de faire et réclamer du sport, passent plus de temps en famille. La jeunesse d’Islande fait maintenant figure d’exemple en Europe. Un modèle que la France pourrait être tentée d'appliquer.
Le podium Sport Santé Education
C’est d’ailleurs bien parti puisqu’Emmanuel Macron envisage de transformer le pays en « une nation sportive ». Le gouvernement a créé un Pass Sport, une aide 50 € par enfant pour s’inscrire dans un club ou une fédération, même s’il est réservé aux familles percevant déjà l’allocation de rentrée (environ 5,4 millions d'enfants). Nous avons déjà légiféré sur la publicité et l’âge permettant d’acheter de l’alcool. Mais il reste tant à faire pour privilégier le temps en famille et l’implication associative.
Nous sommes une grande nation sportive. pic.twitter.com/hzze29Hb7T
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) October 14, 2021
Pendant ce temps, les chercheurs appliquant la méthode Milkman ont déjà analysé les comportements de 100 000 jeunes du monde entier, de la Corée à l’Espagne. Si la consommation de tabac et d’alcool réduit globalement, les psychologues s'inquiètent de leur remplacement par les applis de paris en ligne notamment. Preuve que les campagnes anti-alcool ou tabac ne suffiront pas, le mal est plus profond dans nos sociétés où le stress et la course permanente sont hélas banalisées.