2022 M07 13
En deux ans, le nombre de démissions en France a augmenté de 20%. Une tendance qu’on retrouve aussi bien pour les postes en CDI que pour les postes en CDD, qui ont crû de 25 % sur la même période. "La France enregistre une croissance record des taux de démissions", indiquent dans une note plusieurs enseignants-chercheurs à l’EM Normandie. Mais qu’est-ce qui explique cela ?
D’après les chercheurs, 89 % des démissions seraient liées à un épuisement professionnel et un manque de soutien managérial, renforcé par une recherche de sens et d’épanouissement face à des crises récurrentes : pandémie de Covid-19, changement climatique, terrorisme, guerre en Ukraine…
La jeune génération remet ainsi en cause les fondements de l’entreprise et la place du travail au sein de leur équilibre. Et cela se confirme en ce moment avec de nombreux discours de jeunes diplômés qui, de l’école Polytechnique à SciencesPo en passant par l’école d’agronomie AgroParisTech, appellent à renoncer à rejoindre les entreprises polluantes et à remettre en question le fonctionnement du système économique actuel.
En parallèle, une tendance de fond venue des États-Unis émerge : le détravail, pratique qui consiste à travailler moins, pour vivre mieux.
Les prémices de la décroissance ?
Le détravail est une logique qu’on commence à retrouver dans différents pays du monde, aux États-Unis, au Canada, mais aussi en France. À Nantes, par exemple, une association - le Collectif Travailler Moins - organise chaque semaine des apéros pour sensibiliser à cette nouvelle forme de liberté qui consiste à revoir ses priorités.
Concrètement, le détravail peut prendre différentes formes. Auprès de France Info, Romane, qui vient d’ouvrir un cabinet de podologue, témoigne ainsi de son envie de se bloquer des après-midi afin de profiter de son temps libre :
« Mes parents faisaient toujours du six jours sur sept à fond, moi je veux quand même pouvoir profiter et avoir une qualité de vie à côté, quitte à gagner moins. »
Au sein de ce collectif, ils sont aujourd’hui une dizaine à s’engager dans cette voie qui consiste à travailler moins, avec plus ou moins de radicalité. Si certains voient dans cette solution la possibilité de prendre une sorte de “retraite anticipée”, généralement, les détravailleurs oscillent entre périodes de travail et périodes de repos, ou alors réclament la semaine de 4 jours ou bien des congés sans soldes afin de rééquilibrer leur vie personnelle pour pouvoir voyager ou s’investir dans des associations.
Pour la plupart, il s’agit cependant de jeunes actifs, diplômés à bac+5, sans enfants, qui peuvent donc se permettre le luxe de moins travailler s’ils ne sont pas trop dépensiers. Un luxe inaccessible pour de nombreuses personnes, mais qui participe tout de même à faire bouger les lignes en entreprise.
Un changement de paradigme pour les employeurs ?
Depuis la crise du Covid-19, en France, le secteur de la restauration n’arrive plus à recruter et a perdu 240 000 salariés. La raison ? Des horaires difficiles, un salaire modeste et des conditions de travail qui, pour les jeunes, ne valent pas la paye. De fait, les employeurs sont donc obligés de changer leur fusil d’épaule si iels veulent survivre, ce qui implique de revoir les conditions de travail ou les salaires.
Même son de cloche chez les jeunes diplômés de grandes écoles incarnés par le collectif "Pour un réveil écologique", qui incitent leurs camarades à ne plus travailler pour des entreprises polluantes, "forçant" les entreprises à revoir leurs pratiques. Une étude publiée le 28 mars indique ainsi que deux jeunes sur trois se disent prêts à renoncer à postuler dans une entreprise qui ne prendrait pas suffisamment en compte les enjeux environnementaux.
En France, le détravail reste cependant encore marginal et surtout réservé à quelques élites qui en ont les moyens. Cependant, aux États-Unis, le mouvement a davantage d’ampleur. D’ailleurs, le groupe Antiwork, fondé en 2013 sur le réseau social Reddit, comptait 150 000 membres en 2022 et dépasse aujourd’hui les 2 millions d’adeptes. Preuve que là-bas, le phénomène de “la grande démission” s’amplifie. Un avant-goût de ce qui pourrait nous attendre dans quelques mois ?