Les sites de rencontres pour "personnes âgées", une tendance qui grossit

Club50plus, EliteRencontre, Hornet, DisonsDemain… Des sites et applications mobiles promettent de vraies rencontres aux seniors (50 ans et plus), qu’ils soient hétéros ou homos. Descendants des agences matrimoniales, ils s’adressent à ceux qui n’ont pas peur de prendre leur trackpad pour chasser l’amour.

Ils s’appellent Patrice, Irène et Jacques. Ce sont des témoins rencontrés récemment au hasard de nos recherches virtuelles pour dénicher des personnes à même de nous raconter leur nouvelle vie amoureuse et sexuelle online. La différence d'avec les sujets dits traditionnels, c'est que ces tourtereaux aux aventures et aux amours naissantes ont tous… plus de 50 ans !

Divorces, veuvages, carrières professionnelles prenantes et exclusives, il y a tant de raisons de vouloir chercher l’amour passé "un certain âge", comme le disaient pudiquement les journaux, voilà encore quelques années. Mais la définition de ce "certain âge" a quelque peu glissé. Avec l’espérance de vie qui s’allonge (et, en général, les progrès de la médecine), "70 ans" est devenu le nouveau "60 ans", et "60 ans" le nouveau "50". En somme, c'est le début d'une nouvelle existence. Voire d'une renaissance.

« "Il y a une horrible ‘date de péremption’ attachée à la sexualité des femmes." (Jacques, veuf de 71 ans) »

Il y a vingt ans, tous nos interlocuteurs seraient passés par des agences matrimoniales, ces ancêtres de Tinder où une vraie personne physique promettait de faire les recherches pour vous dans votre région ou votre pays, et pour ainsi dire, "faisaient le premier pas" à votre place en vous présentant les élus potentiels de votre cœur (les émissions de télé ayant pour thème l’amour, type Bachelor ou L’amour est dans le pré, fonctionnent encore sur ce système d’intermédiaire "tout-puissant"). Mais l’explosion d’un Internet domestique grand public et sécurisé a changé la donne.

Combattre l’âgisme de la société… de consommation

Club50Plus, EliteRencontre, DisonsDemain… Autant de promesses de vraies rencontres que ces sites et applications mobiles pour les personnes hétérosexuelles, qui n’ont désormais plus peur de prendre leur souris pour chasser l’amour. "Au début, j’étais dubitative, avoue Irène, 63 ans, croisée sur Club50Plus. Ce sont mes enfants qui m’ont poussée, ils ont même créé mon compte, un soir où nous dînions tous les trois. On s’est bien amusés. Mais c’était pile la veille du premier confinement en mars 2020, donc autant dire que je n’ai pas multiplié les conquêtes depuis. Déjà parce que ce n’est pas mon genre, et surtout pour me protéger du virus. Cependant, je tchatte régulièrement avec deux hommes d’un département voisin du mien, et il nous tarde de pouvoir nous rencontrer en vrai pour un verre."

Pour les homosexuels, c’est plus délicat : il n’y a pas à proprement parler de sites réservés aux femmes ou hommes mûrs. Il faut savoir naviguer entre les applis où le mot daddy apparaît en toutes lettres, parfois assimilées à du proxénétisme dans le cas d’échange affiché "de services" ou d’argent (des sites que l'on retrouve chez les hétéros). Quant aux sites "traditionnels" de la communauté gay (Grindr, Hornet, Scruff…), on sait déjà que leurs utilisateurs ont la réputation de se focaliser sur les corps jeunes, musclés et bronzés (et blancs). Une dérive âgiste et raciste déjà documentée dans des centaines d’articles.

Toutefois, il reste une parade : leurs paramètres permettant à l’utilisateur de filtrer par tranche d’âge qui apparaîtra sur son fil, il est possible de forcer l’algorithme à montrer uniquement les gens de sa génération. En théorie. C’est ce que fait Patrice, 58 ans, qui cherche le grand amour après que son partenaire de vie est décédé d’un cancer il y a quelques années (après 25 ans de relation).

"Naviguer est délicat, entre les petits jeunes qui utilisent ces filtres pour attirer les mecs plus vieux, avec derrière la tête des buts divers et variés, ceux qui mettent de faux âges ("99 ans" est le paramètre par défaut de nombreuses applis, ndla) et les types de ma génération qui ne me plaisent pas, et dont la majorité cherche de toute façon un homme beaucoup plus jeune. Sans compter ceux qui ne recherchent que du sexe rapide et quasiment ‘anonyme’." Une fois écartées toutes ces contraintes, il ne reste, en effet, plus grand-monde sur la grille qui fait office de tchat.

Bien plus abordable qu’une agence matrimoniale

Jacques, "beau gosse" veuf de 71 ans "très bien conservé", comme aiment à lui rappeler des femmes de vingt ans de moins que lui sur le site Club50plus, n’a pas le même problème de filtrage. Ancien mannequin, il reçoit des sollicitations constantes sur son téléphone. "C’est triste, mais les femmes de 70 ans avec lesquelles je discute parfois me disent que c’est très dur pour elles de trouver ne serait-ce que de la tendresse. Il y a une horrible ‘date de péremption’ attachée à la sexualité des femmes."

Paradoxalement, ce sont les femmes de son âge qui l’intéressent, et il avoue à demi-mot que la sexualité n’est pas vraiment son moteur. "Je n’ai pas envie de finir seul, mais sous prétexte que je suis mince et que je porte des costumes cintrés, même à mon âge il est facile d’être pris pour un objet de consommation. Je ne compte plus les messages de femmes mariées que je reçois."

Comme le rapportait Le Parisien il y a quelques semaines dans un article dédié au sujet, les agences matrimoniales existent toujours. Christian, un kinésithérapeute à la retraite, racontait passer un entretien "pour cerner sa recherche et sa personnalité, puis la conseillère lui présenterait des profils qu'elle juge compatibles". Mais comme le précisait le journal, "ces services de rencontres totalement personnalisés coûtent entre 1000 et 1600 euros", contre entre une dizaine et une cinquantaine d’euros mensuels pour les sites sur lesquels on se débrouille seul.

Si l’offre est pléthorique, c’est que la silver economy (l’ensemble des biens et services adressés aux plus de 60 ans), a connu une véritable explosion ces dix dernières années. "Elle représentera 20 millions de personnes à l’horizon 2030", expliquait en janvier au Monde Gaëlle Moal, enseignante-chercheuse en marketing. Même la recherche d’une nouvelle histoire d’amour se monnaye à prix fort chez les professionnels du business.

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