

Avec sa marque Kitesy Martin, cette Française part en guerre contre la fast fashion
C’est l’éternelle question : la mode et la fast fashion polluent. Et pourtant, on ne peut pas toujours contrôler ses passions, et si la mode existe, c’est qu’elle a sa place dans notre société. Alors qu’en est-il de toutes ces personnalités prêtes à faire bouger les choses en matière de style ? Rencontre avec Kitesy Martin, designer et entrepreneuse qui, depuis 10 ans, impose son style à la fois innovant et prônant l’upcycling; une véritable révolution dans le secteur de la mode.
2021 M09 10
Ces marques s’appellent Salut Beauté, Anicet, Tête d’orange ou encore Polère. Leur concept ? Proposer une mode upcyclée - c’est-à-dire donner une seconde vie aux vêtements ou pièces usagés ou existantes, pour les transformer en pièces neuves - et faire notre bonheur car chaque pièce s’avère devenir unique. La designer Kitesy Martin est emblématique de cette génération d’entrepreneurs prêts à tout pour changer nos mentalités en matière d’achat. Ses bijoux sont d’une beauté incomparable, et pourtant, ils sont tous upcyclés. Comment est née son envie de changer le monde de demain via sa passion, la mode ? Elle nous explique tout.
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Kitesy Martin, j’ai 37 ans, je vis à Paris et je suis designer et entrepreneur. Après 10 années passées en tant que styliste dans différentes maisons parisiennes, j’ai lancé en décembre 2018 ma marque de bijoux upcyclés qui porte mon nom : KITESY MARTIN. À coté, j’ai également monté le concept de hip-hop yoga, Humble Warrior, avec mon amie et associée Dani Marino.

Qu'est-ce que l'upcycling et pourquoi avoir décidé d'en faire ?
L’upcycling est l’action de récupérer et retravailler un objet endormi pour lui redonner vie et en faire une pièce unique. C’est une démarche responsable puisqu’en utilisant de l’ancien, on diminue l’impact écologique des déchets. Je travaille dans l’industrie de la mode depuis plusieurs, je connais les travers de ce milieu (la surproduction surtout) et il était impensable pour moi de proposer encore du neuf. Tout est déjà sous nos yeux, il suffit de regarder autrement les objets pour leur donner une seconde vie. Aujourd'hui, ce qui est réellement responsable c'est d'arrêter de créer du neuf quand on peut faire autrement. C’est un processus créatif différent puisque je pars d’une matière chinée et non d’une image d’inspiration. L’ordre du procédé créatif est changé et rend le travail plus long. Aussi, chaque pièce est unique puisqu’elle a été confectionnée à partir d’un bijou chiné. Il n’est pas possible de rentrer dans une production en chaine, ce qui demande beaucoup de travail pour l’élaboration de chaque collection.
« Aujourd’hui, 1000 milliards de vêtements sont vendus dans le monde chaque année et sont conservés moitié moins longtemps qu’il y a 15 ans. »
En quoi l'upcycling et ta démarche sont-ils une initiative positive pour l'avenir ?
L’upcycling est un mode de production qui existe depuis très longtemps, créer du neuf avec de l’ancien n’est pas si nouveau. Cependant, cela est assez récent que cette démarche créative s’applique à l’industrie textile et que le terme « upcycling » est utilisé par les marques. La mode a pendant trop d’années créé des prototypes, des productions en surnombre ou des produits sans réflexion sur leur impact écologique. Aujourd’hui, 1000 milliards de vêtements sont vendus dans le monde chaque année et sont conservés moitié moins longtemps qu’il y a 15 ans. La démocratisation de l’upcycling et le fait d’avoir posé un mot sur cette démarche, ouvrent les esprits et réveille les consciences. Les nouvelles générations sont sensibilisés à la mode responsable et les réseaux sociaux permettent de diffuser le message.
Qu'est-ce que tu dis aux gens pour réveiller leurs consciences, leurs modes de consommation ?
Je n’aime pas avoir un ton moralisateur car je pense que chacun peut travailler sa conscience écologique à sa façon et à son rythme (même si nous n’avons plus de temps). Si ce n’est pas la mode, cela peut être la nourriture ou la beauté ou son empreinte carbone… Pour réveiller les consciences, j'utilise donc la transmission. J’essaye de montrer qu’upcycler un objet est à la porter de tous. En plus de mes collections de bijoux, je propose sur ma boutique en ligne des kit upcycling avec tout le nécessaire pour redonner vie à ses bijoux endormis. Le kit est lui-même dans une pochette upcyclée par Emmaüs Coup de Main à partir de rideaux endormis. Il contient des pinces à bijoux, des anneaux, des chaines vintages, des fermoirs et une invitation pour une masterclass online d’une heure avec moi. Pendant cet atelier, le participant apprend, en petit comité, à upcycler ses bijoux vintage.

Crois-tu que la mode change ? Est-ce tendance ?
La mode change, c’est certain. Aujourd’hui, presque tout le monde sait que l’industrie textile est un désastre pour la planète. Les clients demandent la provenance des matières premières et le pays de fabrication. Les marques sont obligées de se montrer plus raisonnables. Cela part peut-être d’une tendance, mais la réalité est bien là, les marques responsables sont de plus en plus demandées et il s’agit d’un réel marché. Evidemment, il y a du greenwashing de la part de certaines marques. Cependant, ce greenwashing plante tout de même une graine dans l’esprit de clients qui n’étaient pas du tout sensibilisés à l’éco-responsabilité.
Depuis quand es-tu intéressée par l'écologie, le durable ?
Cela est venu progressivement, je dirais au fil de mes rencontres…Cela a commencé il y a 7 ou 8 ans en évitant de consommer trop de viande et autres produits industriels et en faisant attention à ne pas acheter sans me poser les bonnes questions. C’est vraiment la surconsommation qui me dérangeait et qui a été le point de départ. Pour la mode, c’est, comme beaucoup, le documentaire The true cost qui a été un déclic, en 2016. Je savais déjà que la fast fashion avait un impact néfaste sur la planète mais l’aspect éthique m’a convaincu. Du jour au lendemain, j’ai arrêté de rentrer dans des boutiques de fast fashion. J’ai radicalement changé mes habitudes de consommation mode et aujourd’hui, si je passe devant H&M, je n’ai plus envie d’y acheter un seul article.

Aurais-tu des conseils à nous donner pour agir, au quotidien ? Mais aussi se faire plaisir ?
Mon conseil serait de se tourner vers la seconde main au maximum. Par exemple, adopter le simple réflex de regarder sur Vinted, le bon coin ou chez Emmaüs avant d’acheter du neuf. C’est facile et à la porter de tous. Ensuite, je pense qu’il faut y aller progressivement…Par exemple, cela fait 2 ans que j’ai totalement stoppé les bouteilles en plastique, ma prochaine étape est de stopper les contenants en plastique pour la salle de bain.
Quelles autres personnalités ou acteurs / actrices responsables aimes-tu suivre ? T'associe-t-on ?
Je suis le compte @fashion_rev (fashion révolution) qui est très clair et m’apprend toujours un peu plus. Je n’ai pas de personnalités ou acteurs en tête qui m’inspirent sur le sujet, cependant j’évite tous les comptes d’influenceurs qui font des hauls Boohoo tous les 3 jours. Souvent, dans les différentes opérations que je fais qui sont liées à l’upcycling, je me retrouve auprès de Rubi Pigeon, créatrice de contenu sur Internet et fondatrice de la marque d’upcycling Rusmin. Nous avons fait une collaboration entre nos deux marques il y a un an et Rubi est devenue une amie depuis. Nous avons plus de 10 ans d’écart, j’aime beaucoup sa vision et elle représente pour moi la nouvelle génération en terme de communication sur la mode responsable.
Un mot pour la rentrée 2021 ? Tu restes positive ?
Je dirais que l’écoute est la clé (de soi, des autres et de ce qui nous entoure). Je suis de nature positive et avec une petite fille de 2 ans, je n’ai pas le choix que de croire en la nouvelle génération qui sera, je l’espère, plus alerte sur nos modes de consommation.
Pour découvrir l'univers de Kitesy Martin, rendez-vous sur son site ou sur sa page Instagram.