Climeworks

L'Islande inaugure la plus grande usine de capture de CO2 au monde

Ce mur de ventilateurs va définitivement retirer le dioxyde de carbone de l’air et le transformer... en pierre. Une solution temporaire pour la planète mais qui a convaincu le groupe Coldplay.
  • Depuis 15 ans, le monde s’éreinte à freiner les émissions de carbone responsables sur réchauffement climatique. Pourtant, indéniablement ce gaz est là, présent dans notre atmosphère. Alors partout, de gros cerveaux ont eu la même idée : aspirer ce CO2 pour faire chuter les courbes au lieu de les ralentir. Les plus avancés dans ce domaine sont probablement les Suisses de Climeworks.

    Les ingénieurs de cette société spécialisée dans la captation du carbone ont construit une usine dédiée à Hellisheidi, en Islande. Baptisée « Orca » ( « Orka » signifiant énergie en islandais), elle va agir comme un aspirateur géant, non pas collé à une cheminée d'usine comme cela se pratique aujourd’hui, mais directement dans l’air.

    Pour arriver à saisir ce gaz bien plus diffus, Orca exploite 4 unités d’aspiration, chacune contenant 12 super-turbines. Une fois aspiré, l’air est filtré par une membrane qui retient le carbone, puis chauffé à 100° C pour séparer le CO2. L’air purifié est rejeté dans l’atmosphère tandis que le reliquat carboné va être mélangé à de l’eau et traité d’une bien curieuse façon.

    Changé en pierre

    Le liquide est confié aux Islandais de CarbFix qui ont fait du stockage de CO2 leur spécialité. Plutôt que de le revendre sous forme solide (pour faire des pigments d’encre) ou gazeux (pour gazéifier vos sodas – oui oui !) ils vont l’injecter 1 kilomètre sous terre, dans une couche de basalte. Là, une réaction chimique transformera le carbone piégé en cristaux de calcaire.

    Pétrifiée, la pollution, comme un sort d'Harry Potter. Cette minéralisation est parfaitement naturelle, à ceci près qu’elle prend d’habitude quelques milliers d’années. CarbFix dit la réaliser en 2 ans seulement.

    Réduire ou enlever ?

    Inaugurée le 9 septembre, la centrale de captation fonctionne déjà. Selon Climeworks, Orca devrait supprimer de l'air 4 000 tonnes de dioxyde de carbone par an. Ce qui correspond à la louche aux émissions annuelles de 250 habitants en Suisse. Beaucoup ? Pas assez ? Disons que pour extraire 1 % des émissions mondiales, il faudrait piéger 300 millions de tonnes, ce qui nécessiterait 75 000 centrales comme Orca.

    Il apparaît flagrant qu’il ne sera pas possible de retirer toutes nos émissions, ce qui signifie que la nécessité de réduire nos empreintes carbones (par une transition énergétique notamment) reste une priorité. On notera au passage que les Suisses ont implanté Orca à proximité d’une centrale géothermique islandaise afin que leur centrale n’utilise que de l’énergie renouvelable. Pas un détail puisque les fours séparant le carbone de l’air sont très énergivores.

    Mais il serait injuste de juger cette capture inutile. Dans son rapport de 2018, le GIEC annonçait la nécessité d’extraire « 100 à 1000 gigatonnes de CO2 » d’ici la fin du siècle pour éviter un réchauffement climatique au-delà d’1,5°C qui engrainerait une spirale irréparable.

    Powered by Coldplay

    Pas découragé, Jan Wurzbacher, tête pensante de Climeworks, annonce à Bloomberg son intention « de construire une usine environ dix fois plus grande dans environ trois ans ». Le groupe possédant déjà une quinzaine de site de taille réduites envisage un avenir radieux au moins économiquement. Car si d’habitude il revend aux industriels le carbone piégé il a fallu cette fois trouver un autre revenu. Les Suisses proposent donc des « abonnements » afin de les payer pour extraire le CO2 du monde. 8000 clients aurait déjà souscrit pour effacer les péchés du monde. Mais il y a de meilleurs prophètes.

    Le groupe Coldplay vient d’annoncer que sa prochaine tournée mondiale se ferait en partenariat avec Climeworks afin d’atteindre une empreinte zéro carbone. Au menu : des panneaux solaires et des planchers cinétiques sous les pieds du public pour générer de l’énergie verte et le recours à un bio-carburant pour leurs déplacements (en avion). Mais aussi un capteur de Climeworks pour retirer le CO2 de l’air autour de leurs concerts. Vu la chaleur de ses spectacles, on attend la même décision de Rihanna pour sauver le monde...