Des Français font le joint entre construction et écologie grâce à... un béton au cannabis

En plus d’éviter de gaspiller du sable, ce béton vert permet de réduire deux tiers des déperditions énergétique. Moins de clim’ l’été et moins de chauffage l’hiver, elles vous branchent ces jolies feuilles ?
  • L’herbe est bien plus durable que la brique. On savait déjà que les trois petits cochons avaient tout faux, et que les maisons à ossature bois étaient peu énergivores et auto-régulaient leur hygrométrie (l’humidité dans l’air). Voilà qu’il est possible d’améliorer encore les propriétés d’isolation en soufflant un peu de weed dans nos murs. Il ne s’agit évidemment pas de ganja – dont la culture et l’exploitation sont prohibés et la consommation punie – mais c’est bien la même plante que votre CBD qui est concernée : du chanvre.

    Depuis bientôt 30 ans, on sait produire un béton de chanvre en mélangeant de la chaux et des résidus de chanvre. Plus précisément de la chènevotte, qui est la partie de la plante subsistant une fois graines et feuilles (servant au CBD) ôtées. Le matériau est ensuite utilisé dans des panneaux préfabriqués qui serviront de base à des murs (non porteurs), du doublage, et même des toitures. Tout pour accélérer la construction de bâtiments à hautes performances thermiques.

    Fumer sans feu

    Au printemps 2021, le Cerema a mené des tests d’isolation de logements dans les Haut-de-France. Ceux en structure bois doublé de 26 centimètres de béton de chanvre ont montré jusqu’à 70 % d’économie de chauffage. Et ce n’est pas le seul avantage : le chanvre stocke mieux le CO2 (plus de 35 Kg/m²) ce qui limite les transfert d’humidité et de chaleur. Or, des économies pour se chauffer et se refroidir, c’est autant de CO2 épargné pour éviter de réchauffer encore le climat.

    La crainte qui revient souvent sur ces matériaux biosourcés, c’est leur prétendu dangerosité face au feu. Pour éteindre ces rumeurs, des tests de résistance en situation d’incendie en plein air ont été réalisés. Le CERIB a exposé un mur éco-construit à des flammes à 900° pendant une heure. Sans frémir, l’enduit est resté adhérent au béton de chanvre et l’ossature bois n’a pas souffert du transfert de chaleur, restant constamment sous les 100°.

    Producteurs de chanvre et fabricants veulent désormais faire modifier la législation limitant les usages de ce matériau magique. L’association Construire en Chanvre (qui les réunit tous) confiait à L’Usine Nouvelle : « Nous souhaitons construire des bâtiments plus hauts et amenés à recevoir plus de monde ». Ce qui pourrait bien arriver dès la prochaine réglementation thermique RE2020.

    Dépénalisons l’écoconstruction

    A l’échelle supérieure, ce matériau est aussi un bienfait pour l’environnement, car il ne faut que 100 kilos de résidus de chanvre pour fabriquer 300 kilos de ce béton vert. Ce qui va à la fois développer la culture du chanvre et réduire l’exploitation du sable qui défigure nos littoraux.

    Hyper-énergivore, la production de ciment et béton pèse pour 25 % des émissions carbones du pays. Ajoutez que le secteur du bâtiment et les travaux publics produisent 66 % des déchets du pays, essentiellement par incapacité à revaloriser les matériaux. Deux problèmes qui disparaissent avec l’utilisation de chènevotte. Une chance car la France a 4,8 millions de logements "passoires thermiques" qui nécessitent d’être rénovés au plus tôt.

    Alors, paré à planter des hectares d’herbe qui fait rire l’écologie ? Hé bien en fait, il n’y en a pas besoin. La France est tout à fait prête à cette transition puisqu’elle produit déjà 30 % du chanvre en Europe. Hé oui, nous en cultivons 17 900 hectares, ce qui permet de combler 6,5 % de la demande mondiale de chanvre. Puisque les agriculteurs ont besoin d’un coup de pouce, voilà un produit d’avenir à ajouter à leur cultures qui ne nécessite que peu d’eau et aucun pesticide. Pardon mais, ce cannabis, c’est le pied.

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