Nisreen Elsaim (UNO)

Qui est Nisreen Elsaim, la voix des jeunes qui luttent pour le Climat à l’ONU ?

Être une femme, noire et musulmane complique bien des choses dans ce monde... Mais cette jeune Soudanaise est aujourd’hui consultée par António Guterres sur les questions climatiques. Son combat : imposer les énergies renouvelables en Afrique.
  • Le 6 décembre, la ministre des Affaires étrangères recevait les lauréates de l’Initiative Marianne, récompensant celles qui luttent pour les droits de l’homme, mais aussi des femmes et de l’environnement, les trois étant très liés. Parmi les décorées, une jeune femme de 26 ans venue de Khartoum : Nisreen Abdelrahman Elsaim, figure majeure de l’action contre le dérèglement climatique qui ravage l’Afrique et, plus encore, le Soudan.

    En 2022, des pluies torrentielles y ont fait près de 145 morts et détruit champs et propriétés. « Il n’y a plus d’hiver » se lamente Nisreen Elsaim à l’AFP, conséquence de « l’impressionnante hausse des températures » qui cause de terribles sécheresses.

    Un inquiétant virage qui pouvait aisément être prédit puisque le Soudan était déjà cité comme l’un des 5 pays les plus touchés par le dérèglement climatique en 2020. Mais la junte militaire au pouvoir n’y prête pas attention. Alors Nisreen Elsaim a trouvé un autre endroit pour s’exprimer : l’ONU.

    Une longue route vers le(s) sommet(s)

    Encore étudiante, Nisreen découvre les effets du dérèglement climatique et décide de coupler ses études scientifiques à une diplomatie active, notamment en s’engageant auprès d’ONG. Dès 2012, elle se rend à la conférence de Doha, sa première COP. « La vérité, c’est parce que je m’embêtais à l’école » ironise-elle dans WeDemain, mais ce n’est pas un hasard si elle a été choisie en 2019 par l'Alliance Panafricaine pour la Justice Climatique pour représenter 1000 associations environnementales africaines.

    Nisreen cumule une solide formation universitaire – elle détient une licence en physique et un master en énergie renouvelable, a plusieurs publications scientifiques à son actif et une expérience d'activiste. En 2019, elle participe à l’organisation du Sommet des jeunes sur le climat. C’est tout cela qui l’a conduite à la présidence du Groupe consultatif de la jeunesse du Secrétaire Général des Nations Unies sur les questions climatiques. Elle avait 24 ans.

    Faire tourner des éoliennes, pas brasser du vent

    En plus des entrevues trimestrielles avec António Guterres pour faire des recommandations et remonter les obstacles rencontrés par les associations environnementales, Nisreen Elsaim travaille à rappeler un engagement de l'accord de Paris de 2015 : celui de rassembler 100 milliards de dollars chaque année jusqu’en 2025 et les verser aux pays en voie de développement. Une nécessité pour assurer leur transition énergétique.

    D’abord, le compte n’y est pas ; ce qui a créé une large polémique lors des deux dernières COP en Écosse et en Égypte. Ensuite, ces pays n’ont pas accès aux énergies renouvelables.

    En effet, les brevets de deux technologies sur trois utilisées dans ce secteur depuis 15 ans sont enregistrés aux États-Unis, en Allemagne ou au Japon. A Glasgow, Nisreen Elsaim a rappelé que les technologies des éoliennes et fermes solaires sont « majoritairement protégées par les lois internes des pays développés ».

    Comme elle le décrit, « seuls 30 % des Soudanais ont accès à l’électricité. Cela signifie qu’environ 70 % de la population utilise du charbon de bois », moins cher que le pétrole mais encore plus polluant. Alors que ce pays est parfait pour produire à l’énergie solaire...

    Il ne s'agit pas de générosité : si rien ne change, 75 % des émissions de CO2 d’ici 2050 proviendront de pays en voie de développement (dont la Chine et l’Inde). Accompagner la transition est indispensable, par financement, par transmission du savoir et par libéralisation des technologies. Le changement climatique génère « des pollutions, des crises alimentaires, etc. » rappelle Nisreen Elsaim. Le Darfour l’avait démontré, l’Ukraine le confirme. Le combat de la physicienne soudanaise est loin d’être terminé.

    Crédit photo de Une : UNO

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