2021 M07 21
Laguiole, dans l'Aveyron, est mondialement connu pour ses couteaux. L'autre fierté de ce petit village de 1000 habitants perché à 1000 mètres d’altitude, c'est son fromage, qui porte le même nom. Le Laguiole est un fromage à base de lait cru et entier, produit sur le plateau de l’Aubrac et qui bénéficie d'une Appellation d’Origine Protégée depuis 60 ans.
Comme tous les fromages AOP, il répond à un cahier des charges très strict : toutes les étapes de fabrication (production, transformation et élaboration), sont réalisées selon un savoir-faire reconnu dans une même zone géographique. Pour le consommateur, c’est la garantie de l'origine et de la qualité du produit.
Mais les 78 éleveurs, ont décidé d'aller encore plus loin que ce cahier des charges pour favoriser la durabilité de leur fromage au niveau économique, social et environnemental. Ils sont tous actionnaires de Jeune Montagne, l'unique coopérative fromagère qui produit le Laguiole et emploie près de 150 personnes, ce qui est énorme à l’échelle de ce petit village de montagne.
Les éléveurs payés au juste prix
« C’est une communauté de destins, résume Yves Soulhol, le directeur de Jeune Montagne. Sans cette coopérative, les éleveurs ne pourraient pas vendre le lait à un prix si élevé, et sans eux, il n’y aurait pas ce bassin d’emploi. » Ce mode de fonctionnement garantit en effet la création et le partage de valeur ajoutée : la coopérative paye 560 euros les 1000 litres de lait aux éleveurs, alors que le prix moyen en France se situe aux alentours des 350 euros. Et tous ses bénéfices sont redistribués aux salariés et aux éleveurs et servent également à verser des primes pour l’installation des jeunes.
Au niveau social, l’AOP Laguiole fait vivre tout ce territoire de l’Aubrac, en contribuant notamment activement au tourisme local. « Chaque année, notre coopérative accueille 120.000 visiteurs, qui découvrent comment est fabriqué notre fromage, selon les savoir-faire traditionnels hérités des moines et des buronniers, se félicite Gilbert Cestrières, éleveur et président de Jeune Montagne. Nous sommes le 3ème site industriel et artisanal le plus visité de la région Occitanie après les usines Airbus et les caves de Roquefort. »
En matière d’environnement, les éleveurs pérennisent des modes d'élevage et de production traditionnels, avec seulement deux races de vaches autorisées par l’AOP, la Simmental française et l’Aubrac, qui sont parfaitement adaptées au climat et à la géographie. « Notre cahier des charges est construit en fonction de ce que nous donne la nature. Nos vaches sont nourries exclusivement à l’herbe, tout ensilage est interdit. Et elles pâturent au minimum quatre mois par an », rappelle Gilbert Cestrières. Des pâturages de grande qualité car les prairies de l’Aubrac sont très riches. « Nous comptons plus de 2000 espèces de flore différentes dans nos prairies d’altitude, qui figurent parmi les plus diversifiées de France, explique Géraud Valadié, éleveur. Elles présentent un excellent équilibre entre les légumineuses et les graminées, ce qui donne tout leur arôme au lait et par rebond, à notre fromage. » Et grâce au patûrage, les terres mises en culture durant le XXème siècle en Aubrac sont redevenues des prairies naturelles, ce qui favorise la biodiversité du territoire.
Tout sauf un concept
Comme pour les 50 autres AOP laitières françaises, qui sont toutes engagées dans la même voie, faire de leur produit un aliment durable, qui réponde aux attentes des consommateurs engagés, ce n’est pas un concept : c’est la manière manière de produire, de faire vivre leur territoire, de le valoriser et aussi de vivre ensemble pour ces éleveurs de l'Aubrac. Et si c'était ça, le modèle agricole et alimentaire de demain ?
Photos DR AOP Laguiole Jeune Montagne & CNAOL/ Théo Carlier(1), Anne-Laure-Anglade(2&4), Maxime Authier (3)