Ces vaches vont aux toilettes pour sauver la planète

Ça ressemble à un gros canular mais ça n’en n’est pas un. Des scientifiques ont réussi à dresser des vaches pour les faire uriner aux toilettes. Une expérience qui a un vrai but environnemental et qui intéresse au plus haut point les éleveurs du monde entier.
  • Que celui qui n’a jamais marché dans une bouse de vache en gambadant dans les prés lève le doigt. Car nos chers ruminants n’y vont pas de main morte en matière d’excréments. Sachant qu’une vache adulte mange chaque jour entre 60 à 80 kg d’herbe ou de fourrage et boit entre 50 et 100 litres d’eau, les déjections, forcément, sont conséquentes. En moyenne, une vache évacue quotidiennement 40 kilos de bouse et 50 litres d’urine.

    Urine et bouse, le mélange explosif

    Si les bouses laissées par les animaux dans les pâtures sont d'excellents fertilisants du sol et constituent la nourriture de nombreux insectes et micro-organismes, elles sont problématiques à haute dose car elles sont riches en azote. L’urine, elle, est nettement moins bénéfique. D'abord, lorsqu’elle stagne, elle endommage les sabots des vaches et l’azote qu’elle contient se décompose au fil du temps en deux substances problématiques : l'oxyde nitreux, un puissant gaz à effet de serre, et le nitrate, qui s'accumule dans le sol puis s'infiltre dans les rivières et les ruisseaux. Enfin, lorsque les déjections se mélangent, elles produisent de l’ammoniac, un gaz toxique tant pour les humains que pour les animaux.

    C’est pour cela que des chercheurs néo-zélandais et allemands ont décidé d’unir leurs compétences pour plancher sur le sujet. Et l’étude qu’ils ont publiée dans la revue Current Biology, si elle a de quoi faire sourire, est pourtant tout ce qu’il y a de plus sérieux.

    Pendant plusieurs semaines, les scientifiques ont dressé des veaux à se retenir quand ils avaient envie d'uriner et à le faire uniquement lorsqu’ils étaient placés plusieurs fois par jour dans un enclos à latrine. Lorsqu’ils y parvenaient, ils recevaient alors une récompense comme un bâton d’orge, dont ils raffolent.

    Les petits veaux meilleurs que les bambins

    « On supposait que les bovins ne sont pas capables de contrôler leurs selles ou leurs mictions. Mais comme de nombreux autres animaux, ils sont plutôt intelligents et s’adaptent aux changements. Alors pourquoi n'apprendraient-ils pas eux aussi à utiliser les toilettes ? On a tenté l’expérience et ça a marché. Les veaux ont appris la propreté plus vite que les enfants de 3 ans », atteste le chercheur allemand Jan Langbein, l’un des auteurs de l'étude.

    « En récupérant 80 % de l'urine de vache, on pourrait réduire les émissions liées à l'ammoniac de 56 % et si nous n’en recueillions que 10 ou 20%, cela suffirait à réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre et le lessivage des nitrates", explique pour sa part Douglas Elliffe, de l'université d'Auckland.

    Réconcilier élevage et environnement 

    L'oxyde nitreux issu de la décomposition des urines des bovidés, représente environ 5% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. En Nouvelle-Zélande, l'agriculture est à l'origine d'environ la moitié des émissions de gaz à effet de serre, principalement sous la forme de méthane et d'oxyde nitreux. De façon inhabituelle pour un pays développé, le méthane représente 43,5% des émissions du pays, soit presque autant que la quantité de dioxyde de carbone généré par les énergies fossiles, ce qui s'explique par le fait que l'économie repose en grande partie sur l'agriculture.

    Grâce aux résultats probants de leur étude, les chercheurs veulent désormais aller plus loin. « Le défi est de changer d'échelle, pour dresser de grands troupeaux dans des environnements où les bêtes passent plus de temps en plein air que dans des étables, concluent-ils dans leur étude. Plus nous capturerons d'urine, moins nous aurons besoin de réduire le nombre de bovins pour atteindre nos objectifs en matière de réduction d'émission de gaz à effet de serre et moins nous devrons faire de compromis sur la disponibilité du lait, du beurre, du fromage et de la viande. Notre étude révèle une occasion jusqu'ici inexplorée d'exploiter les capacités cognitives des animaux dans le but d'aider à résoudre des problèmes environnementaux urgents sans compromettre le bien-être des animaux. »

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