2021 M04 20
Nous passons en moyenne 2.500 fois par an aux toilettes et nous y restons environ 2 à 3 minutes à chaque fois, ce qui représente près de 3 ans de notre vie ! A quoi pensons-nous dans ces moments-là ? A beaucoup de choses, mais sans doute pas au fait que les WC engloutissent chaque jour près d’un tiers de notre consommation d’eau potable, soit en moyenne 36 litres par jour et par personne. Et qu’en plus de ce monumental gaspillage, nous engloutissons également de l’or brun à chaque fois que nous tirons la chasse.
800 millions de tonnes d'excréments inutilisées
Car les excréments sont des produits à haute valeur ajoutée. Les particuliers qui sont passés aux toilettes sèches et qui les utilisent pour faire leur compost et fertiliser leur jardin l’ont bien compris. Et les industriels, eux aussi, commencent à s’intéresser de très près à cette matière gratuite dont l’espèce humaine produit annuellement 800 millions de tonnes et qu’ils peuvent valoriser grâce à la méthanisation.
Quand vous tirez la chasse, les eaux usées sont expédiées en station d'épuration où elles sont décantées et filtrées. Il en résulte des boues liquides, issues des excréments, qui vont subir plusieurs traitements et fermenter. Et c'est cette fermentation qui va produire du méthane, un gaz labellisé « bio » puisqu'il n'engendre aucune pollution.
La plus grande unité de méthanisation de ce genre en France a été inaugurée en avril 2019 à Marseille. Elle est implantée au sein de la station d’épuration Géolide, qui traite les effluents de plus de 870 000 habitants en épurant 78 millions de m³ d’eaux usées d’où elle extrait plus de 10 000 tonnes de « boues » chaque année.
Plus vert mais pas plus cher
En exploitant ces boues, l’unité de méthanisation produit chaque année 3,8 millions de NM ³ de biogaz (NM ³ , ou « normaux mètres cube” est l’unité de mesure des gaz). Au terme d’un processus de filtration et de mise aux normes, l’énergie est injectée sur le réseau public de gaz naturel. Et d'ici quelques semaines, ce biogaz sera est utilisé par Habitat Marseille Provence pour chauffer une partie de son parc locatif. Le bailleur social, qui compte quelque 15 000 logements sociaux dans la cité Phocéenne, va ainsi alimenter 1319 appartements de la cité HLM de la Soude.
Entre 4000 et 5000 personnes bénéficieront de cette énergie produite à base d'excréments. La chaudière centrale de leur résidence les fournira bientôt en chauffage et eau chaude neutre en carbone, et ce, sans impact sur leur facture. Mais avec un vrai gain environnemental car ces foyers convertis au gaz vert sans même le savoir diminueront alors par 14 leurs émissions de CO2 et le bilan carbone de leur logement.
Une double valorisation pour les boues
Habitat Marseille Provence souhaite étendre ce dispositif à l’ensemble de son parc dans les prochaines années et espère surtout que cette initiative suscitera des vocations chez d’autres bailleurs sociaux.
Après avoir réchauffé les résidents, les « boues » d’épuration de Marseille connaîtront une ultime valorisation. Totalement desséchés, ces résidus d’excréments et autres fluides corporels seront transportés jusqu’au centre de traitement de Fos-sur-Mer. Ils y sont incinérés parmi les ordures ménagères, afon de générer cette fois-ci de l’électricité. Bref, la prochaine fois que vous tirerez votre chasse d'eau, vous ferez peut-être sans le savoir un petit geste pour la planète.