5 conseils du maire de Correns pour faire passer sa ville au 100% bio

Depuis 1995, la municipalité de Correns, dans le Var, est certifié "Village 100% bio". Plus de 25 ans plus tard, tout le monde s’en réjouit et veut l’imiter. Et à écouter le maire qui a conduit cette révolution, c’est faisable. Voici ses cinq conseils.
  • Printemps 2021, les vignes flamboient. Le dérèglement climatique alterne chaleurs précoces et périodes de gel et les vignerons de France tentent de sauver leurs plants, leur activité, leur vie finalement. Triste ironie, l’agriculture a sa part de responsabilité dans les émissions qui se retournent contre elle-même : le protoxyde d’azote des engrais est responsable de 34 % de son empreinte carbone. En brûlant ses feux de pailles par -4°, le village de Correns n’a pas fait exception à ce drame agricole ; mais parce que tous ses agriculteurs ont opté pour une agriculture biologique il y a un quart de siècle, eux au moins n’ont pas contribué à faire naître cette situation. Car Correns est le « premier village français 100 % bio ».

    En 1995, Michaël Latz se présentait aux élections municipales de ce village de 1000 habitants proche de Brignoles et des gorges de Bagarède. Il avait de nombreux atouts pour convaincre : « Je suis vigneron à Correns et cela fait 60 ans que j'habite ce village, nous explique-t-il. J'avais déjà été deux fois adjoint auparavant, je suis ingénieur agronome et j’avais été patron d’une boîte de phyto » A peine l’écharpe enfilée, il fait une proposition définitive aux vignerons : « J'ai poussé à ce que l'on passe TOUS en bio ». Une trentaine de viticulteurs donnent leur feu vert.

    1. Une révolution agricole sur deux pieds

    D’où est née ce qui en 1995 ressemble encore à une lubie ? Michaël Latz a été formé par le premier candidat écologiste de France, René Dumont. « Dans les années 80, j'ai visité les laboratoires de Monsanto à Saint Louis et je me suis rendu compte que le progrès technique était dangereux entre les mains de gens qui n'avaient qu'un intérêt financier à très court terme. Vaches folles, OGM... vous voyez. » La première pierre est posée.

    Très vite toute la coopérative viticole le suit. Les vignerons échangent beaucoup de conseils, de matériel, s’entraident. Michael Latz est formel, la révolution bio n’est faisable qu’avec une considération économique. « Il fallait marcher sur nos deux pieds : idéologique et économique ». Par sa spécificité, leur vin devient réputé, les prix montent. En toute logique, les maraîchers suivent le courant. « La mairie a installé un éleveur de chèvres dans ses forets communales, l'apiculteur est passé en bio... Tout le monde a joué le jeu », se souvient l’ancien édile.

    2. Transformer l’essai des champs dans les assiettes

    « Il y a 20 ans, on a introduit des repas bio et végétariens dans les cantines. Cela semble évident aujourd'hui mais il a fallu se battre à l'époque contre les parents d'élèves. » Au début de chaque repas, on explique aux enfants ce qu’ils vont manger, d’où cela vient… Chacun doit goûter de tout, au moins un peu. Et le repas se finit par la pesée de ce que l’on jette, pour prendre conscience du gaspillage et le réduire. « Apprendre aux enfants à bien manger, c'est déjà changer la planète. Même seulement 2 minutes par repas, répété sur toute l'année scolaire, cela compte. » Mais on ne devient pas le village le plus écolo uniquement par l’agriculture. Il faut aussi penser énergie.

    3. Réduire les gaspillages et les consommations

    Sur le long terme, Correns a développé l'éco-construction. Le village construit une éco-école et sa cantine. Le plan local d'urbanisme (PLU) fixe l’éclairage public et impose que l’intensité décline en dehors des heures d’usage. C’est depuis entré dans les moeurs mais les Corrensois étaient des pionniers. On se tourne alors vers les énergies renouvelables : avec 4000 m2 de panneaux solaires, le village devient autonome énergétiquement. Michael Latz lance son Agenda 21, acte fondamental de démocratie participative doublé par une association locale pour l’appliquer. Ainsi, le développement durable est entre les mains des habitants et non plus seulement de la mairie, ce qui est aussi une éconmie d'énergie en un sens... « Quand on a refait le centre ville, on leur remettait ce que nous fournissaient les bureaux d'étude pour qu'ils fassent leur suggestions. » Mais comment s’assurer que leurs avis seront avisés ? Le maire a sa petite idée de la question : « il faut élargir les esprits ».

    4. Cultiver plus que des sillons

    La mairie va soutenir Le Chantier, « le centre international des nouvelles musiques traditionnelles reçoit beaucoup de résidences [d’artistes] de world music et tient son festival annuel. Autant que le bio cela participe à ouvrir les gens. » L'une des plus grandes fiertés de l’ancien maire ? « C'est le village qui a le plus faible taux de vote en faveur du Front National. Quand le Var qui est un réservoir pour l'extrême droite, faisait entre 40 et 50% [de votes] nous n'avons pas dépassé les 20% ».

    5. Penser la planète comme un village

    En août 2014, les journaux du monde entier parlent de Correns. Sur ses hauteurs, Brad Pitt vient d’épouser Angelina Jolie. Mais à la mairie comme au village tout le monde s’en fiche ; la véritable gloire a eu lieu 3 ans plus tôt. En 2011, Michael Latz est invité à un Congrès à Berlin. Avec d’autres élus, il a co-fondé l'Association Européenne des Villes Bio et va prendre la parole pour donner l’exemple de son village: « je suis intervenu après le maire de Copenhague et juste avant celui de Vienne » raconte-t-il tout sourire. Il n’y a pas de véritable label "Village 100 % bio" mais des échanges, une coopération notamment avec Turin, avec Paris.

    Après 4 mandats de maire, et 37 ans à la mairie, Michael Latz décide de passer le relai. Seul moyen pour que l’implication grandisse encore et cela fonctionne : « 8 conseillers sur 15 de mon équipe ont repris, plus 7 nouveaux qui sont entrés pour avancer dans le même esprit ». Mais ce n’est sûrement pas pour arrêter d’agir que le maire ne se représente pas en 2020. « Je suis né à la frontière du Rwanda et du Congo. En 2009, j'y suis retourné pour acheter 8 hectares et y fonder une asso "Village durable" et une école de formation à l'agriculture biologique ». On y accueille des enfants soldats, des filles victimes des atrocités de la guerre. Un nouveau début ? Non, la suite logique. Une année sur deux, les vignerons de Correns organisent une vente aux enchères et reversent les bénéfices à cette école. Parce qu'on ne peut pas être centré sur soi ou son village. Il y a une dimension planétaire dans le fait de choisir du bio.

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