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Les trois écoles de Mouans-Sartoux, commune de 10000 habitants située entre Mougins et Grasse, dans les Alpes-Maritimes, n’ont pas attendu la récente polémique lyonnaise autour des menus végétariens uniques pour revoir leur politique en matière de cantine scolaire. Depuis plusieurs années, Gilles Pérole, instituteur, adjoint au maire et président de l’association Un plus bio, a fait basculer l’entièreté de la restauration collective de la ville en 100 % bio, créant au passage trois emplois en ajoutant à quelques kilomètres des écoles une exploitation agricole de six hectares. Parents et enfants semblent conquis et adoptent même les bonnes pratiques à la maison.
Avec une volonté politique farouche de faire changer les mentalités, la municipalité, tenue depuis 2015 par Pierre Aschieri ("sans étiquette, à tendance écologiste et humaniste"), s’est fixée des objectifs de quasi-autonomie, puisque 85% de ses produits proviennent de sa propre régie, soit 25 tonnes de légumes par an, pour 1000 repas quotidiens. Au-delà du bio, systématisé, sont servis par semaine deux repas végétariens. "J’espère que ça donnera des idées à d’autres communes et que ça sera ça, l’avenir", expliquait en 2018 l’adjoint à la presse.
Nouvelle loi française ou élitisme des Verts ?
Pourtant, rares aujourd’hui sont les municipalités qui osent aller aussi loin. Un exemple encore rare : en 2011, Grande-Synthe, dans le département du Nord, fut la première ville de France à instaurer le 100% bio, et ce alors que la loi française n’en imposait que 20%. Un engagement qui s’est vu récompensé par une victoire des "cantines rebelles" par l’association… Un plus bio, dirigée par l’adjoint au maire de Mouans-Sartoux. La boucle est bouclée... Depuis 2012, Grande-Synthe a aussi sa propre régie agricole. En plus de miser tout sur le bio, cette dernière sert également à des milliers d’élèves des options végétariennes.
En septembre 2020, l'Assemblée nationale a voté une loi rendant obligatoires ces plats "controversés" "au moins une fois par semaine". Une mesure qui devra être mise en place à partir du 1er novembre de cette année. Pourtant, drôle de paradoxe, plusieurs ministres se sont joints aux accros à la viande pour critiquer Grégory Doucet, maire (EELV) de Lyon, après qu’il a décidé d’instaurer, selon lui "pour des raisons sanitaires", des menus uniques sans viande à la cantine. Une mesure équivalente avait pourtant été prise par l’ancien édile Gérard Collomb en pleine crise du Covid, notamment pour faciliter les approvisionnements, sans que personne ne s’en émeuve.
Lille a adopté depuis 2014 la même politique, à raison de deux fois par semaine. "En plus de l’insulte inacceptable aux agriculteurs et aux bouchers français, on voit bien que la politique moraliste et élitiste des Verts exclut les classes populaires", a malgré tout réagi le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, à l’encontre de la municipalité lyonnaise.
Varier les goûts et les régimes alimentaires des élèves
L’idée de ces Mairies, qui vont a priori dans le sens de ce que préconisent les nouveaux textes issus de la majorité gouvernementale, est de réduire la consommation de viande (l’élevage étant source de pollution et de réchauffement climatique), tout en permettant aux enfants de varier leurs goûts et leurs régimes alimentaires. Il y a quelques semaines, l'opération "Pour moins de bidoche à la cantoche", menée par la Fédération des Conseils de Parents d'élèves GreenPeace et l'Association Végétarienne de France, a d’ailleurs soutenu le texte de loi à venir.
"Dans un contexte d’augmentation de la précarité alimentaire, ce dispositif évite de réduire le nombre d’enfants accueillis ou de normaliser le recours à des solutions de pique-niques. Instrumentaliser l’assiette des enfants est une posture hors-sol et navrante", tweetait fin février Stéphanie Léger, adjointe Éducation à la Ville de Lyon, en réaction à la polémique née dans les rangs de l’extrême droite.
Ce menu unique, qui n’est pas un menu végétarien (œuf, poisson 🐟🍳), est le seul menu permettant de n’exclure aucun enfant.
— Stéphanie Léger (@MissStephLeg) February 19, 2021
Ce choix permet de garder un repas équilibré et un service de restauration scolaire accessible aux 29 000 enfants quotidiens. 4/5
Les mentalités sont en train de changer
Enfin, ce n’est pas seule municipalité à anticiper cette mesure déjà controversée. La Ville de Grenoble a mis en place depuis quelques semaines des menus 100% végétariens, tous les jeudis. "Il ne faut simplement pas tomber d'un extrême à l'autre. Un ou deux repas végétariens par semaine reste l'idéal", rassurait alors auprès de L’Express Marie Jacquemier, diététicienne partenaire de la capitale iséroise.
Début février, à Paris, les parents d’élèves du collectif "Les enfants du 18e mangent ça" ont porté plainte contre la Sogeres, fournisseur de viande des cantines dudit arrondissement, pour avoir menti sur la provenance de produits, soi-disant "français et bio" alors que les steaks arrivaient d’Allemagne. Preuve que, à la ville ou dans les campagnes, les mentalités entourant les cantines scolaires sont en train de changer. Et quel meilleur endroit que ces espaces collectifs mixtes pour éduquer les adultes de demain au bon goût et à la variété des produits ?
Source photo de Une : Facebook officiel de Grégory Doucet