Comment Marseille protège enfin son écosystème du tourisme de masse

Avec près de 5 millions de touristes chaque année, la biodiversité marseillaise souffre. Du coup, la municipalité a décidé d'agir. Réservation obligatoire, dispositifs écologiques… Cet été, la nature prend aussi des vacances.
  • En septembre 2021, l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) tenait son Congrès Mondial de la Nature à Marseille. Un choix plutôt judicieux : la ville de la Bonne Mère se trouve justement devant un défi environnemental de taille, à savoir restaurer la biodiversité sur son propre territoire.

    Une biodiversité unique qui souffre du tourisme de masse 

    D'après le CEPF, le bassin méditerranéen s'étend sur 46 000 kilomètres de côtes et mesure 2 500 000 km². Il a été défini comme l'un des 35 « hotspots » (points chauds) de la biodiversité mondiale. On y dénombre 30 000 espèces de plantes, dont 13 000 endémiques. À Marseille, sur les 24 650 hectares que représente la ville, 15 000 sont urbanisés, 655 sont des parcs et jardins et 9 000 sont des espaces naturels.

    Une biodiversité et des paysages somptueux, qui attirent chaque année près de 5 millions de touristes ... Vous imaginez la pression anthropique ? Le tourisme de masse ne laisse pas de répit à une nature déjà éprouvée par le réchauffement climatique.

    Une politique tournée vers la nature

    En 2021, le maire socialiste de Marseille, Benoît Payan, déclarait déjà Marseille en état d'urgence climatique. Sur le site de la ville, il explique : 

    « Je veux que notre ville change sa façon de concevoir son développement et prenne une nouvelle trajectoire pour atténuer le changement climatique. À travers cet état d'urgence climatique, la Ville de Marseille a décidé de prendre en compte la question du climat et de la transition écologique dans toutes ses politiques publiques. »

    En 2016, une loi Biodiversité avait déjà été promulguée. Mais quatre ans plus tard, en septembre 2020, le Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) jugeait son bilan « décevant ». Depuis, Marseille a donc décidé de taper du poing sur la table pour stopper l'érosion de sa biodiversité. L'année dernière, le Parc National des Calanques optait quant à lui pour une stratégie innovante : celle du « démarketing ». Parce qu'il mesure la fréquentation des lieux en direct, le parc poste en ligne, si nécessaire, des messages pour inciter les visiteurs à faire demi-tour

    Il faut dire qu'après le confinement, nombreux ont été les Français.es à vouloir reconnecter avec la nature. Du coup, à l'été 2020, la surfréquentation a fait des dégâts. Aux calanques de Sormiou et de Morgiou, des pics à 3 000 visiteurs par jour ont été atteints, avec 2,3 baigneurs par mètre carré de plage.

    Un accès limité à certains sites

    Des solutions ont depuis été prises par la municipalité. Dans le cœur marin du Parc national des Calanques et l’aire marine adjacente, 18 sites emblématiques de plongée ont été équipés par la Ville de 33 mouillages écologiques. Ces dispositifs permettent d'éviter la dégradation des fonds marins par l'ancre des bateaux. 

    Dans le parc national des Calanques, l'accès par la mer est interdit aux bateaux de location sans autorisation. Depuis décembre 2019, le parc tente de maitriser la fréquentation de ses eaux. Huit bateaux sur dix qui naviguent sur le site sont des embarcations louées. L'année dernière, une mise en garde a été adressée aux touristes dans un communiqué : si vous louez un bateau chez un professionnel, assurez-vous qu'il possède « une vignette verte ». Un particulier doit, quant à lui, posséder l'accusé de réception de sa déclaration de location auprès du parc national.

    Enfin, nouvelle décision radicale prise pour cet été : interdire l'accès libre aux Calanques les plus fragiles. Le 23 juin, le parc a officiellement ouvert son site de réservation. Son slogan : réserver, c'est préserver. Sur le site on peut lire : 

    « La calanque de Sugiton est sufréquentée en été, avec des pics observés de 2 500 visiteurs par jour. Cette surfréquentation provoque un phénomène d’érosion très marquée : sous l’effet des pas répétés des visiteurs, la terre glisse en direction de la plage. Cette disparition du sol menace la pinède : les racines des vieux arbres sont mises à nu et les jeunes végétaux ne peuvent pas pousser. Si nous ne faisons rien, il y a un risque de dégradation irréversible du site, de sa biodiversité et de ses paysages. »

    Si vous visitez Marseille et ses environs cet été, notez donc que l'accès aux calanques de Sugiton et des Pierres Tombées est restreint. Au total, par jour, ce sont 400 personnes maximum qui peuvent désormais s'y rendre. Vous pouvez réserver jusqu'à trois jours avant, et jusqu'à 18h la veille de votre visite. C'est gratuit, et chaque dossier peut concerner jusqu'à cinq personnes (sans compter les - 3 ans).

    La mesure, prise jusqu'au 21 août, devrait ralentir la destruction de ces petits écrins naturels… Reste à savoir si elle deviendra un jour pérenne. 

     

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