Centrale Provence Hynovera hydrogène

A Marseille, cette centrale à charbon produira bientôt de l'hydrogène vert

Non seulement cela fait une centrale fossile de moins, mais c'est un grand coup d'accélérateur pour des transports moins polluants.
  • C’est comme un canon pointé vers le ciel qui ne tirera plus jamais. Entre Meyreuil et Gardanne, au Nord de Marseille, se dresse encore cette cheminée de 297 mètres, la plus haute de France, qui a craché ses ronds de fumée pendant plus d’un demi-siècle. Pourtant, elle sera bientôt détruite. Ne pleurez pas, on applique ici la décision du gouvernement de mettre toutes les centrales à charbon de France à l’arrêt définitif avant le printemps 2022. Exemplaire, la centrale de Provence ne va pas seulement s’éteindre mais devenir un modèle de transition énergétique.

    En effet, la centrale a été partiellement convertie à la biomasse en 2014, transformant du bois et des bio-déchets forestiers en 150 MW d’énergie, en émettant 77 % de CO2 de moins que le charbon. Mise en service en 2018, cette unité va encore évoluer cette année pour inclure de la cogénération (la récupération utile du chauffage dégagée par la biomasse). Et ce n'est pas tout.

    Propriétaire de la centrale depuis 2019, GazelEnergie a décidé de faire de la centrale thermique un site de production d’énergies renouvelables. Rebaptisée Hynovera, ses 80 hectares vont accueillir prochainement plusieurs électrolyseurs pour produire de l’hydrogène vert - c'est à dire fabriqué à partir d’électricité, oui, mais elle-même générée de façon renouvelable, puisqu’elle est produite par pyrogazéification.

    GazelEnergie ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Le groupe a signé un partenariat avec les Aixois de Hy2gen qui vont exploiter cet hydrogène pour produire des carburants renouvelables : du biométhanol (MeOH), de l’électro-kérosène (aussi appelé Sustainable Aviation Fuel) et de l’e-diesel.

    Et le cercle vertueux continue puisque ces carburants non-fossiles serviront à leur tour à verdir le secteur des transports lourds, crucial pour les Bouches-du-Rhône.

    La croisière s’amuse (sans polluer)

    On le sait, le transport est l'un des secteurs les plus émissifs du monde. Tous ces gros porteurs ne sont pas remplaçables par des véhicules électriques. En particulier l’aviation ; c’est pourquoi ce secteur va légalement devoir incorporer des biocarburants dans ses réservoirs. Hynovera devrait pouvoir fournir 50 000 litres d’e-kérosène chaque jour. C’est assez pour fournir 10 % des besoins de l’aéroport Marseille-Provence, situé juste à côté.

    La production d’hydrogène (quelques 55 tonnes par jour) pourra alimenter des autobus comme il en circule déjà à Barcelone par exemple. Enfin, l’e-méthanol sera lui affecté aux navires marchands, « pour lesquels aucune autre solution de décarbonation n'est en général possible pour un coût raisonnable » présentait le Sénateur des Alpes-Maritimes, Philippe Tabarot en défendant le projet. La compagnie Corsica Ferries, qui assure la jonction avec l’île de beauté mais aussi avec le port de Nice, serait déjà intéressée.

    Envoyer du jus sans pépin

    Opérationnelle dès 2026, la centrale verte devrait peser lourd dans la transition énergétique locale, en amont comme en aval. « Pour produire une tonne d'e-carburant dans le projet Hynovera, il faudra entre 10 et 15 MWh d’énergie renouvelable et entre 2,5 et 3 tonnes de biomasse » décrit Cyril Dufau-Sansot, PDG de Gazel. Un rendement énergétique de presque 50 %, assuré par l’achat d’électricité verte. Gazel s’est en effet engagé à faire tourner les électrolyseurs « avec de l’électricité 100% renouvelable garantie par un contrat de Power Purchase Agreement à long terme ». Ce n’est pas un détail anodin pour une centrale qui va consommer 835 GWh par an et plus de 182 000 tonnes pour la biomasse…

    Trois en un : on enlève donc une centrale polluante (la France n'en compte plus que deux en activité) pour accélérer concrètement la transition énergétique tout en participant à couper la dépendance du secteur des transports aux carburants fossiles. Ajoutez la construction d'une centrale d’hydrogène à Fos-sur-Mer pour alimenter le port industriel et c'est l'assurance qu'un vent plus frais que le mistral soufflera bientôt sur Marseille.

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