2021 M04 13
Chaque mois, Les Eclaireurs mettent en lumière un projet citoyen qui cherche à faire bouger les lignes, présent sur la plateforme de financement participatif KissKissBankBank.
Reclus, isolés, et ruinés. Depuis le début de la pandémie, les étudiants ont perdu les jobs qui leur permettaient de tenir. Résultat, ils sont de plus en plus contraints à se tourner vers les épiceries solidaires et soupes populaires qui ne peuvent plus suivre : dans le 14e arrondissement de Paris, les Restos du Cœur près de la Cité U ont vu leurs bénéficiaires passer de 120 à 400 personnes en février…
C'est dans ce contexte que la communauté Ecotable, qui lutte pour accélérer la transition alimentaire en France, a demandé aux restaurateurs de s’impliquer et a lancé une campagne KissKissBankBank pour financer cette opération. Ils voulaient servir 500 repas chaque semaine, ils en ont déjà distribué 7500. Et ce n’est pas fini ! Pour comprendre l’étendue de cette action bienfaitrice, le co-président Hervé Marro se met à table et nous raconte tout par le menu.
En quoi consiste la campagne "Restaurons les étudiant.e.s" que vous avez lancé en Mars ?
Hervé Marro : C’est parti d'un cri d'alarme lancé par Linkee, l’association d'aide alimentaire qui siège au conseil d'administration de la Communauté Ecotable : la situation des étudiants d'île-de-France empirait de semaine en semaine. Comme on l’avait fait l’an dernier pour les soignants, on s’est appliqué à nourrir les étudiants dans le besoin par notre réseau de restaurateurs. Mais on a aussi sollicité notre réseau de commerçants et producteurs qui fournissent des denrées en parallèle. Ce qui fait que les étudiants demandeurs reçoivent un repas et peuvent repartir avec un colis alimentaire à cuisiner.
En période de crise, vous cuisinez des centaines de repas gratuitement. Comment réalisez-vous ce petit miracle ?
Notre communauté réunit nombre de restaurateurs et de producteurs très impactés par la crise. Les restos étant ouverts pour la vente à emporter, plutôt que de trouver une cuisine centrale pour cuisiner les plats, on a décidé de leur demander de produire individuellement entre 50 et 100 repas par semaine. Cela contribue à soutenir les restaurateurs qui à leur tour passent des commandes plus importantes à leurs producteurs, eux aussi désœuvrés, etc. C’est comme ça pour les opérations de solidarité, on cherche comment créer un cercle vertueux utile pour tous.
Comment rapatrier tous ces plats dispersés dans Paris pour les étudiants ?
Une fois que le chef a travaillé, tout est récupéré par les bénévoles de Linkee qui organise la distribution alimentaire. Tout est convoyé de façon durable, généralement d'ailleurs en vélo, jusqu'aux centres de distribution où ils seront récupérés par les étudiants.
Ni resto clandestin ni dark kitchen. Avec la Communauté @_ecotable, ce sont 17 restaurants engagés qui cuisinent cette semaine 650 repas pour les étudiants précaires, tout en continuant à survivre comme ils peuvent. Aidez-nous à agir plus grand que nous : https://t.co/j14jBYWDAy pic.twitter.com/YHeG6IyvyB
— Hervé Marro (@HerveMarro) April 7, 2021
Concrètement, un étudiant demandeur peut-il venir retirer un repas n’importe quand ?
Il faut s'inscrire à l'avance sur le site Linkee.co, ce qui est une façon d'être en capacité de servir tout le monde et éviter les situations où certains feraient la queue et repartiraient sans rien. Les distributions ont lieu tous les jours de la semaine sauf le dimanche, dans les 12e 13e et 18e arrondissements.
Tout cela est possible grâce à la campagne KissKissBankBank ?
Oui, plus de 800 citoyens ont déjà permis de financer 7500 repas. On a distribué plus de 3300 repas. Et la campagne n’est pas terminée : il faut continuer jusqu’au 25 avril. C’est fondamental, nous n'aurions pas les fonds pour mener cette opération sans elle. Rendez-vous compte : on a lancé cette action fin février et produit les premiers repas début mars.
Que se passera-t-il pour les étudiants le 25 avril ? Tout s’arrête ?
Non. Normalement avec les financements qu'offriront vos lecteurs, et les soutien du groupe Le Bon Coin, SNCF et de la Mairie de Paris, on devrait tenir jusqu'à la fin de l'année universitaire.
Comment cela se passe côté cuisine ? L’approvisionnement, la rémunération…
Nous, on donne 5 € pour un repas, et le restaurant peut faire une marge (en général autour d'1€) ou pas. Mais je vais vous dire : tous préfèrent aider que s'enrichir. Pour les produits, ce sont les restaurateurs qui s'en chargent. Toujours en circuit court, et la plupart du temps des produits de saison issus de l'agriculture biologique. Pareil pour le viandes, elles proviennent d'élevage expansif, jamais intensif - c'est prohibé chez nous.
Parlons de la Communauté Ecotable, qui fête ce mois-ci ses 2 ans. Qui sont les gens derrière ?
Ce sont des professionnels de l'alimentation durable, des propriétaires de restaurant, des chefs, des commerçants comme des fromagers des cavistes ou des primeurs et également des producteurs (agriculteurs, oléiculteurs, éleveurs...). Bref ce sont 350 adhérents de tous les corps de métiers qui s'engagent à servir une alimentation durable, de la fourche à la fourchette.
Quelle est votre mission ?
La communauté Ecotable veut accélérer la transition alimentaire en France avec trois axes principaux d'action : le partage de bonnes pratiques entre professionnels ; le développement de projets communs ; et enfin, restaurer les pans de la société qui en ont besoin, un axe qui a émergé fortement avec la pandémie et nous a amené à agir pour les soignants dès le premier confinement, quand leurs cantines ont fermé au pire moment qui soit.
L’opération Restaurons les étudiant.e.s est donc une application concrète de ce que prône votre collectif ?
Oui, ce cahier des charges était présent dans la communauté bien avant la campagne, ce qui fait qu'on travaille en toute confiance. Chacun connait son poste et le tient à la perfection ! On avait commencé à 500 repas par semaine à 650. Notre objectif est d'arriver à 750. C'est un peu entre vos mains.
Pour participer, rendez-vous sur le KissKissBankBank d'Ecotable.
Pour aller plus loin: (re)voir notre sujet sur le restaurant Le Reflet, qui vient en aide aux étudiants avec des repas à 1 euro.