2020 M09 28
Tout le monde se souvient de la canicule qui a frappé l’Europe lors de l’été 2003, un phénomène exceptionnel où les records de températures ont été battus un peu partout sur le territoire. « Des températures supérieures à 40 °C ont été relevées dans 15 % des stations, y compris en Bretagne ce qui n’était encore jamais arrivé depuis le début des mesures de température » précisait alors Météo France.
17 ans plus tard, ce phénomène n’a plus rien d’exceptionnel. D’ailleurs, sur les 40 « coups de chaud » enregistrés par Météo France depuis 1947, 16 ont eu lieu entre 2010 et 2019. Et les canicules de 2018 et 2019 ont fait tomber presque tous les records de 2003.
Une situation qui fait émerger de nouvelles problématiques, notamment en ville, où les températures sont nettement plus élevées que dans les zones rurales. Un problème majeur quand on sait qu’en 2050, près de 75% de la population mondiale habitera en ville. D’où la nécessité de mettre en place dès aujourd’hui des solutions concrètes pour contrer ce phénomène.
Le végétal pour lutter contre les îlots de chaleur
« En condition de canicule, on peut observer des différences de températures de l’ordre de 8°C en moyenne la nuit entre Paris intra-muros et les zones les plus fraîches de la région », précisait en 2018 Aude Lemonsu, chargée de recherche au centre de recherche de Météo-France. Un phénomène qui s’explique par le fait que les matières minérales (bitume, beton) absorbent la chaleur le jour et la restituent la nuit, ce qui empêche le rafraîchissement naturel des villes.
À l’inverse, les surfaces végétalisées sont considérées comme des îlots de fraîcheur puisqu’elles restituent l’humidité qu’elles ont absorbé lorsque le mercure grimpe. C’est la raison pour laquelle la végétalisation des villes est l’un des points les plus importants à mettre en place pour lutter contre les épisodes de fortes chaleurs. Pour cela, il faut donc reboiser d’urgence nos villes, créer des parcs et des bandes vertes pour réduire cette chaleur. Dans des villes élues “Capitale verte européennes”, comme Nantes en France ou Vitoria-Gasteiz en Espagne, tous les habitants vivent à moins de 300 mètres d’un espace vert et ces villes comptent en moyenne 40m² de surface arborée par habitant, contre seulement 9m² à Paris.
Et lorsqu’il n’est pas possible de mettre des arbres en raison du bâti actuel, de nouvelles solutions émergent, à l’instar de ce que propose la startup française Urban Canopée avec ses structures végétales connectées qui vont créer à la fois de l’ombre et un rafraîchissement de l’air par évaporation.
En parallèle, la végétation en ville a aussi besoin d’eau, d’où l’importance de s’orienter vers un urbanisme “vert et bleu”.
« Sur les 40 coups de chaleur enregistrés par Météo France depuis 1947, 16 ont eu lieu entre 2010 et 2019. »
Le concept de ville perméable
L’eau est une solution idéale pour rafraîchir les villes. Dans de nombreux endroits du globe, notamment au Japon ou en Inde, les trottoirs sont régulièrement arrosés afin de provoquer un rafraîchissement des rues par évaporation. L’idée a d’ailleurs été testée à Paris en 2018 à Belleville et près du Louvre où les températures dans les rues arrosées pouvaient être inférieures de 15°C par rapport au reste de la capitale.
D’une manière générale, la capacité des villes à intégrer des points d’eau figure comme l’une des principales solutions pour lutter contre les îlots de chaleur. C’est notamment la solution étudiée par des villes françaises comme Narbonne ou comme la métropole du Grand Lyon qui imposent désormais une réflexion sur la création de zones poreuses et d’oasis urbains dans tous les nouveaux projets de construction.
Enfin, à Lyon comme à Nantes ou encore Marseille, les municipalités décident de restaurer certains cours d’eau, de déterrer des ruisseaux ou de créer points d’eau et fontaines dans leurs espaces verts afin d’accentuer encore davantage le phénomène de rafraîchissement.
Outre la végétalisation des villes et la création de points d’eau, un effort important est également à réaliser sur les bâtiments. La rénovation des logements pour lutter contre les passoires thermiques est d’ailleurs une priorité du gouvernement français. Mais d’autres solutions astucieuses émergent également, comme l’utilisation de la couleur blanche !
Peindre la ville en blanc
Qui n’a jamais trouvé magnifique ces villages des îles grecques entièrement peints de blanc ? Ça n’était pas seulement une idée esthétique mais bien une solution ancestrale pour lutter contre la chaleur, puisque les couleurs claires réfléchissent la lumière au lieu de l’absorber. Or, dans des pays comme la France, une grande partie des toitures sont de couleurs sombres, ce qui n’est pas idéal. Ainsi, par une journée ensoleillée de 26°C, la température d'un toit de couleur sombre peut monter jusqu'à 80°C là où la température ne sera “que” de 45°C avec un toit peint en blanc.
Une évidence qui a mené ces dernières années à des expérimentations aux Etats-Unis. La plus emblématique étant le “White Roof Project” à New-York et plus particulièrement à Brooklyn où les habitants se sont mis à peindre les toits de leurs immeubles en blanc. Une astuce a permis de faire baisser la température à l’intérieur des immeubles de presque 20°C, et qui depuis a fait des émules. Elle a notamment été reprise par la municipalité de Los Angeles qui est allée plus loin en imposant la couleur blanche pour toutes les toitures des nouveaux projets, et en peignant certaines rues en blanc afin d’en faire baisser la température au sol.
À l’étranger, d’autres concepts sont également intéressants mais pas toujours aussi simples à mettre en oeuvre. On peut citer notamment l’exemple de Stuttgart qui fait systématiquement appel à des météorologues pour concevoir les projets de construction afin de s’assurer que les bâtiments ne viennent pas bloquer les couloirs naturels d’air froid provoqués par les vents, et permettre à la topographie des villes de jouer naturellement leur rôle de climatiseur.
« Par une journée ensoleillée, la température d'un toit de couleur sombre peut monter jusqu'à 80 °C là où la température ne sera que de 45°C avec un toit blanc. »
Pourrait-on se passer de climatisation grâce à ces solutions ?
Et puisqu’on parle de climatiseur, n’oublions pas que leur utilisation est une catastrophe en matière d’environnement, particulièrement en période de canicule, puisqu’ils relâchent l’air chaud de l’intérieur vers l’extérieur et participent donc à réchauffer les villes. D’autant plus que la climatisation, outre le fait de réchauffer les villes, consomme énormément d’énergie en été - ce qui n’est pas toujours en adéquation avec nos objectifs climatiques et pourrait, à terme, peser sur le réseau électrique.
Cependant, est-il possible d’envisager un futur sans climatisation grâce aux villes végétales, à des bâtiments mieux isolés et à des toitures rafraîchissantes ?
Une étude publiée le 2 juillet 2020 dans Environmental Research Letters par des scientifiques de l’École des Ponts ParisTech, du CNRS, de Météo-France et du CSTB vient pondérer cette idée. Pour les chercheurs - qui ont effectués leurs simulations sur l’Ile de France - la climatisation sera probablement toujours nécessaire, mais ces solutions évoquées pourraient permettre d’en réduire l’utilisation de moitié.