2021 M02 11
Tout commence en 2015 par un simple mail envoyé à des oncologues un peu partout en France par la commission médicale de la FFR, la fédération française de rugby. Dans le cadre du Plan National Sport Santé Bien Être, qui a donné naissance sur le plan législatif aux mesures permettant de prescrire de l’activité physique à des patients souffrant d’affections de longue durée, la FFR recherche des médecins désireux de s’investir dans le rugby santé. A Toulouse, capitale de l’ovalie française, cet appel résonne plus qu’ailleurs. Le docteur Stéphanie Motton, chirurgienne oncologue au CHU de Rangueil et sa confrère Martine Delannes, radiothérapeute à l’Institut Universitaire du Cancer de Toulouse-Oncopole, saisissent la balle au bond.
Le rugby plaque le cancer
« Depuis une dizaine d’années, de nombreuses publications scientifiques, mettaient en avant les bénéfices que peuvent engendrer la pratique d’une activité physique régulière, encadrée et adaptée pour les patients souffrant de pathologies lourdes comme les cancers, explique Stéphanie Motton. Alors nous avons répondu positivement à la FFR et nous avons décidé de tenter l’aventure. »
Le premier club de rubgy santé en France
Les soignants n’hésitent pas à mouiller le maillot. Ce sont eux qui expérimentent les premiers entraînements avec des cadres de la FFR, pour inventer une pratique du rugby qui soit accessible aux patients, dans laquelle les plaquages et le jeu au pied sont notamment proscrits. Le Rugby Santé à 5 est né, à la vitesse de l’éclair.
Quelques semaines après les premières discussions entre les médecins toulousains et la fédération, le docteur Motton « recrute » ses cinq premières patientes, qui seront vite rejointes par des dizaines d’autres. En 2017, elle crée les RUBieS, acronyme de Rugby Union Bien être Santé, le premier club français de rubgy santé.
« Très rapidement, nous nous sommes rendus compte de l’impact très positif que cette pratique sportive avait sur nos patientes, raconte Stéphanie Motton. Elles tolèrent mieux leurs traitements, elles ont une meilleure qualité de vie et surtout on note une réelle amélioration des pronostics de survie sans récidive. »
Des résultats scientifiquement étayés puisqu’en plus de la création du club, les équipes du docteur Motton engagent un travail de thèse de médecine sur le sujet pour mesurer l’impact de cette pratique pour les patientes souffrant de cancers féminins, avec une évaluation particulière sur la qualité de vie et psycho-social.
« Il faut un encadrement qui soit à la fois bienveillant mais aussi formé pour accueillir les patients-pratiquants et qui possède également un regard dédramatisé sur le cancer et la maladie. »
Aujourd’hui, les RUBieS ont essaimé sur tout le territoire français, puisqu’il existe désormais une vingtaine de clubs de rugby santé dans l’hexagone. Tous leurs encadrants ont suivis des sessions de formation dispensés par le staff des RUBieS. « Ce ne sont pas des clubs comme les autres. Il faut un encadrement qui soit à la fois bienveillant mais aussi formé pour accueillir les patients-pratiquants et qui possède également un regard dédramatisé sur le cancer et la maladie », détaille Stéphanie Motton.
Des joueurs et joueuses de 22 à 78 ans
Les RUBieS comptent quatre-vingt "patients-pratiquants" qui s’entraînent tous deux fois par semaine. « Au départ, comme je suis chirurgienne spécialisée en gynécologie, nous avions plutôt des femmes mais désormais le club et les équipes sont mixtes, avec des joueurs âgés de 22 à 78 ans, se félicite le docteur Motton. C’est un vrai succès. La pratique du rugby mais aussi les incroyables valeurs de solidarité que véhiculent ce sport apportent un véritable mieux-être à nos patients. On se rend compte qu’ils se rééduquent bien plus vite. Ils se réapproprient leurs corps après des traitements lourds et récupèrent aussi une vraie estime d’eux-même que la maladie leur avait fait perdre. Parmi nos adhérents, nous avons aussi des personnes qui ne sont pas curables et qui nous disent toutes que de jouer au rugby améliore leur qualité de vie et leur moral. Quant à moi, en tant que médecin, je suis heureuse de pouvoir prescrire du rugby à mes patients parce c’est un acte positif dans un parcours de soin qui est parfois très compliqué et douloureux. »
5 euros par an
L’autre combat que mène Stéphanie Motton, c’est celui de la gratuité. Les "patients-pratiquants" ne paient qu’une cotisation symbolique de 5 euros par an alors que la prise en charge de chacun revient environ à 500 euros au club, qui vient d’engager un coach à temps plein. « Nous ne vivons que des subventions, du mécénat et des dons. Sans cela le club n’existerait pas », conclut-elle. À bon entendeur...