Le "quiet firing" : quand les entreprises poussent leurs salariés à la démission

Fin 2022, une nouvelle tendance a émergé aux États-Unis : le « quiet firing » — ou « licenciement silencieux » en français. Elle consiste à rendre l’environnement de travail invivable afin de pousser un employé à démissionner. Un nouveau mot qui désigne simplement du harcèlement moral, puni par la loi.
  • Avec TikTok, de nouveaux concepts souvent pas nouveaux émergent presque toutes les semaines. Et récemment, c’est le secteur du travail qui en fait les frais : « bare minimum monday », « quiet quitting », « quittok ». Des appellations pour désigner le fait de prendre le premier jour de la semaine à la cool ou d’effectuer uniquement le boulot pour lequel on est payé, et qui prennent de l’ampleur sur les réseaux sociaux pour avoir ensuite des conséquences dans la vie des internautes. En septembre 2022, un article du Wall Street Journal intitulé « If Your Quiet Quitting Is Going Well, You Might Be Getting Quiet Fired » s’intéressait à un phénomène qui là aussi prenait de l’ampleur aux États-Unis : le « quiet firing » ou « licenciement silencieux » en VF. Le concept est simple : les entreprises rendent la vie impossible à leurs salariés afin de les pousser à la démission.

    Quiet firing = harcèlement moral

    Le gros problème de ce néologisme ? Il s’agit simplement de harcèlement moral. Et comme il est écrit dans le Code du travail, dans l’article L 1 152-1 :

    « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »

    @workhap look out for these signs! #quietfiring #quietquitting #career ♬ Blade Runner 2049 - Synthwave Goose

    D’après le Wall Street Journal, ces pratiques — finalement pas nouvelles — se développent au sein des entreprises qui s’intéressent de près à l’implication de leurs salariés, notamment celles et ceux qui ne feraient que le strict minimum. « Gallup — une entreprise spécialisée dans le conseil et les sondages Ndlr — révèle que le taux d’implication des salariés est à son plus bas niveau depuis dix ans et que la moitié de la population active des États-Unis serait en train de se désinvestir discrètement – c’est-à-dire de se limiter strictement aux tâches inscrites sur la fiche de poste », écrit le journal américain.

    Sous couvert de vigilance face à un désengagement au travail — qui se serait accentué avec le déploiement du télétravail durant la pandémie — les entreprises sont alors prêtes à rendre la vie infernale à leurs employés. Les agissements peuvent prendre plusieurs formes : on ne vous invite plus aux réunions importantes ou aux activités hors du travail, on ne vous confie plus de projets, on vous met à l’écart, on vous refuse des congés, etc. Ces actes peuvent aller jusqu’au dénigrement de la qualité de votre travail ou aux remarques répétées, humiliantes et désobligeantes. L’environnement de travail devient alors toxique et l’entreprise vous oblige à claquer la porte.

    Inutile d’avoir un master en management pour comprendre que cette « tendance » est problématique et qu’elle porte déjà un autre nom : le harcèlement moral. Et ces agissements sournois et répétitifs peuvent avoir des conséquences graves sur la santé des salariés (dépression, burnout, suicides, etc.).

    Si pour les entreprises, l’idée est que le salarié s’en aille sans qu’elle n’ait à verser d’indemnités, certains des agissements regroupés sous l’appellation « quiet firing » sont illégales et condamnables. Si un salarié estime qu’il est victime de harcèlement moral, plusieurs recours existent, comme alerter le CSE et les représentants du personnel, alerter l’inspection du travail, saisir le conseil des prud’hommes ou un juge pénal. Et ce n’est pas parce que les techniques managériales toxiques portent un nouveau nom qu’elles deviennent acceptables. 

    A lire aussi