Comment replanter une forêt après un incendie ?

Après les vagues de chaleur à répétition, la sécheresse et les feux de forêt qui ont ravagé près de 62.000 hectares cet été la question de « l’après » se pose. Faut-il replanter à l’identique ? Quand et comment ? Et si la solution c’était de laisser faire la nature.
  • « 90% des départs de feu sont d’origine humaine », selon Grégory Allione, le contrôleur général de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF). Qu’il s’agisse d’un mégot de cigarette jeter par la fenêtre d’une voiture, d’un acte involontaire, d’un accident ou du geste criminel d’un pyromanes. « Impossible d’arriver à faire en sorte qu’il n’y ait plus aucun incendie à l’avenir en France mais la sensibilisation aux risques, elle, doit continuer. Surtout dans les écoles ». Pas de fatalité mais la cause principale de cette catastrophe est désormais clairement identifiée : les sècheresses à répétition provoquées par le réchauffement climatique beaucoup plus rapide que prévu par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).

    Résultat : fin juillet Emmanuel Macron a annoncé un « grand chantier national pour replanter » la forêt, notamment en lien avec l’ONF (Office national des forêts). « Nous rebâtirons et replanterons la forêt » a dit le président de la République. Alors, faut-il en effet planter pour permettre à la forêt de repousser au plus vite après un incendie ? Pas toujours, indiquent les experts de l'ONF. D'un point de vue écologique comme économique, les plantations représentent un investissement important, sans garantie de réussite selon les régions et les types de peuplements sinistrés. Par ailleurs, les experts s’accordent sur l’idée de conduire nos forêts vers plus de résilience pour les aider à mieux s’adapter aux conditions climatiques extrêmes qui s’annoncent, il convient donc de planter les bonnes essences aux bons endroits.

    Première règle : prendre garde à ne pas multiplier les essences gourmandes en eau dans les régions qui devraient souffrir de fortes sécheresses à l’avenir. Planter des essences rustiques comme le chêne vert, le chêne-liège, le pin maritime ou le cèdre de l’Atlas pour remplacer le chêne sessile. De même, certaines essences exotiques sont à éviter comme l’eucalyptus qui nécessitent deux fois plus d’eau par jour que les pins. Et puisque les meilleures essences sylvicoles sont souvent gourmandes en eau (chênes sessile, pédonculé, frêne, peuplier, Douglas, épicéa commun…) il faut les accompagner, dans la mesure du possible, d’essences qui ont besoin de moins d’eau, telles les pins maritimes ou laricio. Enfin, il faut essayer également de planter les essences dans leur habitat naturel. 

    Et si la solution c’était de ne rien faire ou plutôt de laisser faire la nature

    Une étude scientifique de l'INRAE (Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement), du CEA (Commissariat à l'énergie atomique) et de plusieurs universités internationales, publiée dans la revue Remote Sensing of Environment le 1er septembre dernier, montre que les pertes de biomasse résultant des incendies de forêt massifs qu'a connus l'Australie, en 2019 et 2020, ont été rapidement compensées. Les images satellitaires recueillies, montrent une récupération complète des stocks de biomasse perdus en seulement... 1 an. Alors que la forêt a totalement brûlé, l'étude montre une récupération rapide de la végétation, y compris les graminées, les arbustes et les cimes des eucalyptus.

    En zone méditerranéenne, où la forêt est relativement résiliente au feu, les forestiers laissent la nature se régénérer par elle-même après un incendie. « Nous avons observé que de nouvelles graines sont présentes naturellement sur le sol après l’incendie, car la chaleur a favorisé l’ouverture des cônes des pins », explique Frédéric Prodhomme, forestier dans le Vaucluse.  Pour retrouver des arbres de 10 à 20 mètres de haut, il faudra en moyenne 70 à 100 ans. Mais trois à cinq années suffisent pour atténuer l’impact visuel sur le paysage avec la couverture du sol par des herbacées et les premières repousses des espèces arbustives et arborées.

    Et puis il existe une autre solution : celle de la forêt primaire. Alors qu’elles ont pratiquement disparue dans le monde, il n’en reste que deux en Europe, des scientifiques de l'Association Francis Hallé pour la forêt primaire travaillent sur le projet fou de faire naitre une forêt primaire en France. On qualifie de primaire une forêt qui n'a subi aucune intervention humaine (défrichage, sylviculture, chasse, cueillette, ...). Pas de présence humaine donc beaucoup moins de risques de déclenchement d’incendie. Autres avantages : c’est plus de stockage de carbone et plus de biodiversité donc c’est bon pour la planète et c’est bon pour nous !

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