2022 M11 24
Alors que la population mondiale vient de franchir le cap des 8 milliards d’êtres humains, que nous nous dirigeons vers une hausse des pénuries alimentaires et d'eau induites par les changements climatiques, les chercheurs du monde entier travaillent depuis des années sur des solutions pour rendre nos cultures plus résilientes, plus résistantes. Pour l’instant, les principales recherches se sont concentrées sur l'ADN et la modification génétique des plantes, mais ça coûte cher et prend du temps. D’ailleurs, les pays qui en ont le plus besoin pourraient ne pas avoir un accès égal à ces cultures génétiquement modifiées.
Des chercheurs de l'institut de recherches japonais RIKEN ont eu l’idée de travailler sur un remède inédit : l’alcool ! Ils sont partis du constat que les plantes, lorsqu'elles sont privées d'eau, produisent naturellement de l'éthanol, ce qui déclenche une adaptation de leur métabolisme. Les scientifiques ont alors théorisé le fait que leur donner de l'alcool pourrait les empêcher de mourir en cas de sécheresse. L’étude, très sérieuse, a été publiée le 25 août dernier dans le journal scientifique "Plant & Cell Physiology" et ses résultats sont étonnants.
Concrètement, l’équipe de Motoaki Seki, a commencé par cultiver normalement des plants de blé et de riz, en les arrosant régulièrement. Les chercheurs ont ensuite versé de l'eau contenant 0,1% d'éthanol - ou alcool éthylique - dans le sol d'un des deux groupes tests pendant trois jours. Puis ils ont créé une sécheresse artificielle en arrêtant de fournir de l'eau aux plantes pendant 15 jours. À l'issue de cette période, ils ont alors observé que le groupe des plantes « alcoolisées » avaient bien mieux résister au manque d'eau que les plantes « sobres », qui n'avaient pas eu d'alcool. 75% des plants traités ont survécu après avoir été réhydratés, alors que moins de 5% des cultures non traitées ont survécu au manque d'eau.
Dans un premier temps, l’alcool ajouté a provoqué la fermeture des stomates, ces orifices à la surface des feuilles qui permettent aux plantes de transpirer. Puis il a induit la synthèse de glucides à partir de l'éthanol, utiles pour retenir l'eau et stocker de l'énergie. Les pousses de blé traitées ont été beaucoup plus nombreuses à survivre au stress hydrique. Le directeur de ces recherches, Motoaki Seki, a souligné auprès de CNN que cette application externe d'éthanol pourrait se révéler « une méthode agricole utile, simple et moins coûteuse pour améliorer la tolérance à la sécheresse de diverses plantes. »
Attention, juste un verre !
Mais le chercheur japonais prévient que l'éthanol doit être utilisé avec... modération, car « une concentration élevée inhibe la croissance des plantes. » L'impact environnemental doit encore être évalué. Ce résultat expérimental, doit sortir maintenant des murs du laboratoire et s’il est confirmé en plein champ, pourrait être un moyen simple et peu coûteux de renforcer la résistance des cultures au manque d’eau, donc aux sècheresses qui devraient être de plus en plus fréquentes à l’avenir.