Dans cette ville, les smartphones sont interdits aux ados

À Greystones, une petite ville au sud de Dublin, les huit écoles primaires et les associations de parents d’élèves ont pris une décision pour le bien des enfants : les moins de 13 ans sont officiellement privés de téléphone portable, à l’école ou à la maison. L’objectif est notamment de préserver les pré-adolescents des contenus pour adultes auxquels ils peuvent être exposés.
  • En France, l’Ined et l’Inserm ont mené la première grande étude nationale sur le temps passé par les petits devant des écrans. Les résultats, publiés en avril 2023, sont inquiétants. On y apprend que 20 % des enfants utilisent un téléphone portable dès l’âge de 2 ans. « À 5 ans et demi, 98 % des enfants regardent la télévision, 54% jouent avec une tablette ou un ordinateur et 26% avec un smartphone au moins une fois par semaine », peut-on lire dans l’étude constituée d’un panel de 18 000 enfants nés en 2011.

    Sans surprise, plus les années passent, plus les petits deviennent accros et y consacrent du temps — beaucoup trop selon de nombreux spécialistes. L’un des problèmes est que la surexposition aux écrans peut avoir des effets sur le développement des plus jeunes : risque d’obésité (à cause de la sédentarité), perte des capacités cardio-vasculaires ou encore augmentation des risques de développer des troubles du langage ou d’attention. 

    « Plus longtemps nous pourrons préserver leur innocence, mieux ce sera. »

    Une éducation à l'ancienne

    Face à ce constat, et même s’il existe des recommandations précises (lire ici), les écoles primaires et les parents d’une ville irlandaise de 20 000 habitants ont fait un pacte pour interdire les smartphones aux jeunes de moins de 13 ans. À Greystones, les enfants et les pré-adolescents ne pourront donc pas regarder des vidéos sur TikTok ou YouTube, partager des photos sur Snapchat ou encore échanger via des applications comme WhatsApp, du moins sur un téléphone portable qui leur appartient. Et ce, à l’école ou dans le privé, c’est-à-dire à la maison, en famille ou durant leur temps libre. Sauf, bien sûr, si les parents sont d'accord. 

    Si l’accord tient sur la base du volontariat, les parents espèrent que le nombre fera leur force, et que les papas et mamans réfractaires à l’idée de laisser leurs enfants sans portable cèdent face à l’effet de masse. Pour Laura Bourne, la mère d’un enfant en petite section, interrogée par le Guardian, « si tout le monde le fait, on n’a pas l’impression d’être un cas à part. Plus longtemps nous pourrons préserver leur innocence, mieux ce sera ».

    « On espère avec le temps que ça deviendra la norme », explique au journal  Rachel Harper, la directrice de l’école St Patrick, à l’initiative de ce projet baptisé « Greystones Pact ». Elle s’est rendu compte que les enfants réclamaient des téléphones de plus en plus tôt, dès l’âge de neuf ans pour certains. Elle a aussi remarqué que les niveaux d’anxiété avaient augmenté, et pas uniquement à cause du Covid. Les risques psycho-sociaux liés à l’utilisation du téléphone sont mis en avant, causés par l’exposition à des images pour adultes, à l’addiction à certaines applications ou encore à un usage trop intensif du téléphone.

    Cette décision, prise à l’échelle d’une ville, a fait beaucoup parlé dans le pays. Au point d’attirer l’attention du ministre de la Santé irlandais, Stephen Donnelly, qui n’exclut pas une loi et un encadrement de l’usage du téléphone chez les jeunes au niveau national : « en tant que parent et ministre de la Santé, je crois que nous devrions envisager cette approche à l'échelle nationale en termes de protection de la santé mentale des jeunes. Nous devons permettre aux parents de limiter plus facilement le contenu auquel leurs enfants sont exposés », a-t-il fait savoir au journal The Irish Times. « L'Irlande peut et doit être un leader mondial en veillant à ce que les enfants et les jeunes ne soient pas ciblés et ne soient pas lésés par leurs interactions avec le monde numérique. »

    Concilier vie numérique et santé sera l’un des enjeux majeurs pour les nouvelles générations, celles qui naissent avec les "nouvelles technologies" dans les mains. Si elles seront les mieux armées pour déjouer les pièges, elles seront aussi les plus exposées aux dangers. Et face aux menaces, il vaut mieux parfois savoir raccrocher.

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