2022 M07 27
Nous sommes le 09 juillet 2018 et, quelque part en Russie, l’équipe de France de football est à la veille d’une demi-finale de Coupe du monde, qu’elle finira par remporter quelques jours plus tard. Pendant ce temps, à l’autre bout du monde, en Afrique du Sud, la ville du Cap retient son souffle et contemple ses robinets car la sécheresse fait rage depuis 3 ans, et le “jour zéro”, jour où l'eau du robinet pourrait être coupée par manque de réserves, approche.
Pour faire face à cette situation, le capitaine Nick Sloane, expert en sauvetage maritime, avance une proposition originale et aventureuse : aller jusqu’aux frontières de l’Antarctique récupérer un iceberg, le tracter jusqu’en Afrique du Sud, le faire fondre et apporter ainsi de l’eau douce potable à la population. En fondant, le bloc de glace aurait ainsi permis d’apporter aux habitants plus de 150 millions de litres d’eau douce par jour pendant un an, soit 30% de leurs besoins annuels.
Un projet complètement fou ? Oui, probablement, mais pas si utopique que cela. Et si finalement, le projet de Nick Sloane datant de 2018 ne sera pas retenu par les autorités de la ville du Cap, dont la situation s’est améliorée par la suite, l’idée de convoyer des icebergs jusqu’à des zones qui manquent d’eau potable continue d’agiter la communauté scientifique.
De nombreux projets avortés
« Déplacer un iceberg, ce n’est que déplacer le lieu où il fond. Or, la production annuelle de l’Antarctique représente les besoins humains en eau de la planète entière » expliquait à ce sujet le glaciologue français Georges Mougin, l’un des premiers scientifiques à avoir travaillé sur le sujet dès les années 1970. Car, en effet, le sujet n’est pas nouveau. En 1970 et 1980, l’Arabie Saoudite travaille avec un groupe de scientifiques afin d’acheminer de l’eau potable par ce biais. Mais face aux contraintes techniques, le projet est arrêté.
Plus récemment, dans les années 2010, ce sont les îles Canaries qui ont étudiés la possibilité de tracter un iceberg depuis Terre-Neuve, près du Canada. Les modélisations effectuées estimaient que l’opération pouvait se conclure en 141 jours et qu’en enveloppant l’iceberg dans un tissu isolant, il était possible de contenir sa fonte.
En revanche, les remorqueurs auraient consommé un volume de carburant gigantesque : de quoi faire 1 767 fois la circonférence de la Terre en voiture. Et pour cette raison, le projet n’a donc pas vu le jour non plus. Pas plus qu’en Afrique du Sud en 2018. Et peut-être que cela n’arrivera jamais ?
Un coût astronomique et des conséquences inconnues
Si de nombreuses entreprises continuent de miser et de développer des technologies pour tracter les icebergs (cela se pratique, par exemple, pour éviter des collisions avec les plateformes pétrolières), l’idée de les utiliser pour leur eau potable est un défi majeur pour l’humanité pour trois raisons.
La première, nous l’avons évoqué, c’est la pollution engendrée par les remorqueurs pour ce type d’opération, ainsi que la quantité de gazole que cela nécessite. La seconde, c’est le coût du projet en lui-même (160 millions de dollars pour le projet de Nick Sloane en Afrique du Sud). La troisième concerne des inconnues vis-à-vis du déséquilibre que cela pourrait avoir sur les écosystèmes de l’Arctique et de l’Antarctique, que nous connaissons mal.
En revanche, il existe d’autres manières d’utiliser la glace pour stocker de l’eau douce potable qui sont intéressantes à creuser et à répliquer. C’est notamment le cas des “stupas de glace”, sorte de glaciers artificiels qui sont créés dans l’Himalaya.