Faire chambre à part : la solution pour faire durer son couple ?

En France, d’après un sondage mené en 2021, 10% des couples feraient chambre à part. Une tendance qui semble prendre de l’ampleur, aussi bien chez nous qu’au Royaume-Uni ou aux États-Unis. Mais si ce phénomène peut être bénéfique pour le sommeil, il peut aussi créer une distance dans le couple.
  • En Angleterre, le chiffre serait de 15%. En France, d'après une étude de l’Ifop menée en 2021 et relayée par RMC, le pourcentage serait autour de 10%. Aux États-Unis, selon l’association International Housewares, 1 couple sur 5 dormirait dans des chambres séparées. En gros : un peu partout, des amoureux prennent la décision de passer la nuit chacun de leur côté.

    Bonne nuit de loin

    La raison principale ? Mieux dormir. Car si au début, la présence de l’autre est rassurante et essentielle pour souder le couple — le lit est l’endroit où on l’on discute le soir en privé, où on se câline, où on fait l’amour, où les enfants sont conçus, etc. — la chambre à coucher peut devenir, au fil du temps, un lieu de tension et de stress. Stress de subir les ronflements de son conjoint, de mal dormir, de ne pas être réglé sur la même horloge ou de réveiller l’autre. En résumé, le lit n’est plus un lieu synonyme d’amour et d’harmonie mais de potentiel conflit et d’angoisse. Et ce basculement pousse parfois certains couples au « sleep divorce », c’est-à-dire à faire chambre à part. Non pas parce qu’ils ne s’aiment plus, mais pour justement éviter de se détester.

    En 2015, le sociologue Jean-Claude Kaufmann publiait l’ouvrage Un Lit Pour Deux et s’intéressait au phénomène des chambres séparées, qui gagnait déjà du terrain. Grâce à plus de 200 contributeurs, il avait remarqué que les couples étaient de plus en plus nombreux à dormir chacun de leur côté.

    Souvent, ce sont les femmes qui « sont à l’origine de cette demande, explique le sociologue dans un entretien accordé au journal Le Monde. Cela se produit après un certain nombre d’années de vie commune, alors que les agacements et petits inconforts se multiplient, et que le départ des enfants libère une chambre. » Mais si avant, les « vieux couples » étaient majoritairement ceux qui finissaient par prendre leur distance, un article récent du New York Times montre que la tendance se propage aussi chez les jeunes amoureux. Le journal américain raconte les histoires de jeunes adultes, certains âgés de 22 ans, qui adoptent déjà ce système. Pour Rich Newhart, 31 ans, cette séparation nocturne a été bénéfique : « je ne cherche plus à fuir ma famille pour m’accorder du temps juste pour moi », raconte l’Américain.

    Le lit, un symbole

    La question à se poser est la suivante : est-ce la solution pour faire durer son couple et être heureux ? Il n’y a pas de réponse affirmative. Si le système peut fonctionner pour certains, il peut aussi s’avérer catastrophique pour d’autres.

    « Un vrai couple dort dans le même lit, c’est le signe d’une vie en commun réussie. C'est le lieu de l’intimité partagée, de la sexualité et de la complicité dans ces moments d’abandon qui précèdent le sommeil (avec le stéréotype des « confidences sur l’oreiller »), détaille le sociologue Jean-Claude Kaufmann.

    Selon le sociologue, le sentiment de rejet lié à l’idée même de ne pas dormir dans le même lit peut déclencher de nombreuses confusions. « Comment peut-on quitter ce lieu émouvant des premiers ébats, de l’intimité, du désir, ce lieu où les enfants ont été conçus et, plus tard, accueillis pour des partages de tendresse ? Le fait que ce ne soit qu’un problème technique lié aux conditions de sommeil n’est pas audible. D’où la volonté de témoignage de tous ceux qui ont réussi à faire chambre à part après avoir vaincu ces incompréhensions ». 

    Les récents sondages et témoignages montrent que la chambre à part devient un sujet de société. Si le lit en commun a longtemps été un « modèle de perfection », il y a aussi « un décalage avec les évolutions générales d’une société dans laquelle chacun cherche son bien-être », révèle le sociologue. Le phénomène attire de plus en plus de couples, désireux d’initier des changements. Pour mieux vivre ensemble, il faut en fait mieux se séparer.

    Et si faire dodo chacun de son côté peut être profitable sur la durée, et avoir des effets positifs au quotidien, alors pourquoi ne pas l’envisager ? Dans le sondage mené par l’association International Housewares, 22% des sondés ont indiqué qu’ils avaient opéré ce changement dans les douze derniers mois. Signe que le phénomène prend de l’ampleur. Et qu’il s’installe petit à petit dans l’intimité de la chambre. Enfin, dans l'intimité DES chambres.

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