Faire la pluie et le beau temps en manipulant les nuages, une fausse bonne idée ?

Oui, aujourd’hui on sait contrôler la météo. Un levier concret pour faire pleuvoir là où l’on manque d’eau. La Chine s’en est d’ailleurs emparée… au risque de priver d’eau ses voisins. On vous décrit cette technologie "prometteuse" qui divise les scientifiques.
  • « Détraquer le temps avec des fusées », c’était le complotisme d’hier, vu par nos grands parents. Une génération pour qui la météo et les saints du calendrier étaient des valeurs sûres, et la technologie une source de méfiance. Mais depuis, le climat se dérègle. Alors l’envie d’aller effectivement contrôler les précipitations et l’ensoleillement s’est muée en une éventualité crédible. Imaginez, pouvoir stopper une canicule en faisant se couvrir le ciel comme on ferme un volet roulant. Imaginez : déclencher la pluie comme une douche au moment précis où les cultures en ont besoin. Ce sont les perspectives offertes par la géo-ingénierie, un ensemble de techniques de manipulation du climat. Et vos grands parents avaient raison : cela se passe bien avec des fusées.

    Percer les nuages pour que s’écoulent les « rivières du ciel »

    L’exemple le plus connu consiste en effet à expédier une roquette remplie d’iodure d’argent ou d'azote liquide directement dans les nuages afin de provoquer, en réaction, des changements de phase chez les gouttelettes d’eau qu’ils contiennent. On joue donc à condenser ou disperser les particules d’eau. Ainsi, on peut faire accélérer le déclenchement de la pluie, dissiper un brouillard ou réduire des grêlons jusqu’à ce que leur poids ne soit plus une menace.

    On appelle cela « ensemencer les nuages ». Une idée saugrenue de prime abord mais qui n’est qu’une application de propriétés chimiques après tout ; la seule partie technique résidant dans la méthode d’ensemencement : tir d’obus depuis le sol ou bombardement par avion survolant le nuage… Les experts de la "Climatech" en ont fait leur business car, s’il y a quelques années ces solutions auraient faisaient discuter, certain pays les appliquent déjà aujourd’hui : Etats-Unis, Iran, Singapour... et plus que tous, la Chine.

    Champion du monde du lancer d’obus

    Alors que Pékin recevaient les athlètes du monde entier pour les Jeux Olympiques de 2008, son gouvernement avait pris soin d’envoyer vers le ciel un millier d’obus d’ensemencement pour garantir la bonne tenue de sa cérémonie d’ouverture. Une stratégie réitérées depuis à diverses occasions (comme pour les 70 ans du régime en 2019) mais le gouvernement chinois a fait savoir qu’il ne comptait pas s’arrêter là, bien au contraire : Pékin se donne jusqu’à 2025 pour être capable de contrôler la météo sur la moitié de son territoire. Soit 5,5 millions de km² couverts. Depuis 2016, la Chine y a investi plus de 162 millions d’euros dans ce programme. A l’époque, elle communiquait son souhait de bénéficier ainsi de 60 milliards de m³ d’eau de pluie supplémentaire par an. Tout cela pour un peu de ciel bleu ? Non : pour sauver l’agriculture.

    « Le projet annoncé par Pékin est de générer artificiellement 60 milliards de m³ d’eau de pluie de plus, chaque année. »

    Contrôler le ciel pour diriger la Terre

    Choisir où et quand tombe la pluie a permis à la Chine d’éviter que des cultures soient détruites. En 2019, le pays communiquait sur 70 % de dégâts de grêle évités dans la région du Xinjiang. Pékin aimerait aussi pouvoir mettre fin aux pénuries d’eau sur les terres arides du nord du pays, et ainsi rebooster l’agriculture. C’est pourquoi ce programme est nommé Tianhe, la « Rivière du ciel ». Un plan gouvernemental qui va mobiliser 35 000 personnes désormais selon le Guardian.

    En fait, la Chine finance de quoi nourrir ses populations et exporter sans avoir recours aux engrais. Peut-être même pourrait-elle ainsi faire repousser des forêts « sacrifiées » sur l’autel de l’industrialisation depuis des années. Bref, de quoi faire plaisir au gouvernement qui pèse un quart des émissions de gaz à effet de serre dans le monde et rêve d’être neutre en carbone d’ici 2060. Alors, pourquoi tous les pays du monde ne l’imitent pas ? Parce que l’ensemencement des nuages n’est pas sans conséquence globale.

    La planète est un ensemble. Faire pleuvoir plus en amont un nuage signifie priver une région de son eau en aval. Ce qui fait repousser un arbre ici pourrait bien en assécher un autre ailleurs. Volontairement ? On frissonne à l’idée de consciemment tarir la rivière d’un pays ennemi, ou noyer une région sous des trombes d’eau quand elle est en proie à des tempêtes de vent… L’Inde, voisine de la Chine, déjà en proie à la sécheresse, craint de voir disparaître la pluie de son ciel. D’autres ont également souligné l’apport tactique de couvrir une région de nuages, pour empêcher ou faciliter des manœuvres militaire. Mais face au réchauffement climatique qu’il est urgent d’endiguer, la question du pragmatisme se pose : ne faudrait-il pas y avoir recours le temps d’inverser nos émissions ? Toutes ces interrogations attendent une seule réponse, qui ne peut venir que d’une coordination internationale. Tous les yeux sont braqués sur Glasgow, où aura lieu la COP 26 en novembre prochain.

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