2021 M01 15
« Pour réussir sa vie, un homme doit faire un enfant, écrire un livre et planter un arbre.» C’est le célèbre musicien cubain Compay Segundo, du Buenavista Social Club, qui a prononcé ces sages paroles. Alors quand une nouvelle forêt émerge, le message est forcément porteur d’espoir et d’inédit !
Depuis la loi de 1857 soutenue par Napoléon IlI pour assainir et ensemencer les Landes, il n’y avait en effet plus eu de création de forêt en France ! C’est dire si l’événement est d’importance. Le futur poumon vert français de 1340 hectares - qui n’a pas encore de nom - est situé dans le Val d’Oise. Il fera respirer Bessancourt, Frépillon, Herblay-sur-Seine, Méry-sur-Oise, Pierrelaye, Saint-Ouen-l’Aumône et Taverny, les sept communes qui la borderont.
« Le défi pour nous réside dans le fait que le public s’approprie la forêt le plus rapidement possible. »
20 ans d’études
Il aura fallu plus de vingt ans de travail, d'étude et de concertations pour que le projet soit concrétisé par le Syndicat Mixte pour l’Aménagement de la Plaine de Pierrelaye-Bessancourt (SMAPP), en collaboration avec de nombreux partenaires comme l'Office national des forêts (ONF), qui pilote cette création.
Concrètement, l’ONF a établi un nouveau découpage de l’espace afin de préparer les plantations, déterminé les chemins et les espaces dédiés à l’accueil du public ou au travail des forestiers, préparé le boisement proprement dit, après toute une série d’analyses des sols et d’aménagements définis par les paysagistes, archéologues, botanistes, entomologistes.
Symboliquement, le 25 novembre 2019, une première plantation a été effectuée à Méry-sur-Oise. Pour Andrea Nemeth, en charge des aspects paysagers de la nouvelle forêt à l’ONF, l’enjeu est considérable : « Le défi pour nous réside dans le fait que le public s’approprie la forêt le plus rapidement possible. » Un défi d’autant plus complexe à relever que le projet est insolite à bien des égards.
Le sauvetage d’un sol pollué
Car cette forêt vient de loin… Depuis la fin du XIXe siècle, le site a en effet vu se déverser les eaux usées de la Capitale. Avec pour conséquence une contamination des sols aux métaux lourds ayant entraîné la fin du maraîchage et de la production agricole à destination humaine en 1999.
Plus qu’une reconversion de l’espace, il s’agit donc réellement d’un sauvetage du territoire. « Pour définir cet aménagement, il a fallu composer avec des contraintes environnementales et sociétales. Ce territoire a subi de nombreux dépôts sauvages, des occupations illégales et ses sols sont pollués. La forte pression urbaine de ce territoire renforce par ailleurs le besoin de transformer cette zone pour la rendre attractive», ajoute ainsi Eric Goulouzelle, directeur territorial Seine-Nord de l'ONF.
Avec ses 80 kilomètres de chemins qu’il sera possible d’emprunter à pied ou à vélo, la future forêt sera traversée par un itinéraire de randonnée qui reliera la Seine à l’Oise.
« Cette forêt contribuera à améliorer le cadre de vie des habitants et bénéficiera à tout le Val d’Oise. C’est une réalisation pour les générations futures. »
Une forêt résiliente qui met en avant la biodiversité
Pour réussir cette incroyable transformation et créer une forêt résiliente, les équipes de l'ONF ont prévu un mode de plantation "en mélange" avec près de 30 essences forestières et 18 essences arbustives : chênes, tilleuls, érables ou encore feuillus précieux seront introduites sur les 87 parcelles forestières.
L’idée est de donner naissance à une forêt adaptée à l’environnement local et résistante, dans un contexte de changement climatique. Particulièrement robuste et très mellifère, l’érable champêtre symbolisera à lui seul la mutation du paysage et le souci de la biodiversité.
Au cours des huit prochaines années, un million d'arbres seront plantés. « Cette forêt contribuera à améliorer le cadre de vie des habitants et bénéficiera à tout le Val d’Oise. C’est une réalisation pour les générations futures », conclut Bernard Tailly, Président du Syndicat mixte de la plaine de Pierrelaye-Bessancourt.
Pour le « shinrin yoku », cette pratique japonaise qui invite à se reconnecter à ses cinq sens au milieu d'une forêt, il faudra donc encore attendre trois décennies, le temps que les arbres atteignent leur taille adulte. D’ici là, il sera toujours possible de s’accorder quelques moments de méditation hors du temps en les regardant pousser...