2021 M02 18
Alors que le nouveau président américain Joe Biden signe à tour de bras des décrets visant à freiner la course folle "anti-planète" menée par l’administration Trump pendant quatre ans, son programme environnemental, jugé par la plupart des observateurs comme "très ambitieux", ne suffira sans doute pas à éviter le mur qui se profile devant nous.
"Nous allons lutter contre le changement climatique comme nous ne l'avons jamais fait jusqu'ici", assène-t-il pourtant, depuis son investiture, à qui veut l'entendre. Mais ce virage politique majeur (neutralité carbone d’ici 2050, retour dans l’Accord de Paris, amélioration des transports publics, immeubles écologiques, etc.), aussi vertueux et positif soit-il, ne serait qu’un pis-aller.
En effet, tous ces efforts ne rattraperont peut-être pas le retard pris pendant des années par le deuxième plus grand pollueur de la planète (après la Chine). Plus globalement, même si elle était respectée par tous les pays du globe, la recommandation des scientifiques de rester en deçà de 1,5 °C de réchauffement en visant la carbo-neutralité d’ici 2050 (l’objectif actuel du fameux accord est fixé à -2 °C) ne repousserait que d’une dizaine d’années les terribles échéances à venir.
Que de temps perdu à tergiverser... alors que plusieurs rapports publiés début 2021 estiment que l’inaction, prévalente pendant plusieurs années, coûte davantage que les possibles actions.
Le coût de l'inaction climatique à estimé entre 50 et 250 milliards de dollars par an
210 milliards de dollars, c'est le coût officiel (et record) des catastrophes naturelles en 2020, selon une étude du réassureur allemand Munich RE, parue il y trois semaines. Rien qu’aux États-Unis, cette annus horribilis, marquée par un record du nombre de catastrophes dues aux conditions météorologiques et au climat, a coûté 95 milliards de dollars de dégâts, presque la moitié de cet effrayant bilan mondial. Encore plus impressionnant, le 13 octobre dernier, à l'occasion de la Journée internationale pour la réduction des risques de catastrophe, l’ONU a publié un autre chiffre fou : 3000 milliards de dollars dépensés par l’Europe et les États-Unis pendant les vingt dernières années.
Le coût global est sans doute bien plus élevé, selon de nombreux experts. En incluant le continent africain, depuis le début de notre jeune siècle, le réchauffement climatique aurait déjà coûté à l'humanité plus de 4000 milliards de dollars. D’ici les 200 prochaines années, le coût de cette inaction climatique est estimé à entre 50 et 250 milliards de dollars par an.
"Ces pertes dues aux catastrophes naturelles en 2020 étaient nettement plus élevées que celles de l'année précédente. Ce nombre record est préoccupant, qu'il s'agisse d’ouragans violents, de gigantesques incendies de forêt ou de la série d'orages puissants qui s’est abattue sur une partie des États-Unis. Le changement climatique y joue un rôle croissant. Il est temps d'agir", analyse Torsten Jeworrek (Munich RE).
Pour en savoir plus, découvrez notre rapport "Un Climat d'inégalités : Les impacts inégaux du dérèglement climatique en France" qui met en lumière un phénomène encore trop peu documenté : les inégalités climatiques sur le territoire français ! https://t.co/kzX6zYBXZn
— Notre Affaire à Tous (@NotreAffaire) January 22, 2021
Même en se basant sur des chiffres forcément partiels, le coût exact des catastrophes et de leurs causes étant très difficile à estimer, le prix de notre inaction est considéré largement supérieur à celui des investissements nécessaires à réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Il apparaît donc plus profitable de réduire nos émissions que de subir les impacts du changement climatique.
À l'échelle française, dans un autre rapport rédigé en 2020 par l’association de justice climatique Notre Affaire à Tous (intitulée "Un climat d’inégalités - Les impacts inégaux du dérèglement climatique en France"), on peut lire que "le coût des décisions politiques prises pour limiter le changement climatique serait bien inférieur au coût des dommages liés à l’augmentation des émissions".
Une économie mondiale zéro carbone est possible
Selon la Commission de Transition Énergétique (Energy Transitions Commission, un think tank basé à Londres se concentrant sur la croissance économique et l'atténuation des changements climatiques), "les investissements nécessaires pour atteindre une économie zéro carbone d'ici 2050 ne représentent pas plus de 1 à 1,5 % du PIB mondial. Les investissements requis seraient même faibles par rapport aux dépenses publiques massives et aux déficits budgétaires consacrés à la stimulation de l'économie dans le contexte de la crise du Covid".
Dans son dernier rapport, ETC confirme qu’une économie mondiale émanant zéro carbone est possible, à condition de transformer radicalement notre système énergétique. "Tout le monde s'accorde à dire qu'il est clairement plus profitable de réduire nos émissions que de subir les impacts du changement climatique, expliquait en substance Vincent Viguié, chercheur au Centre international de recherche sur l'environnement et le développement (CIRED), dans une récente interview accordée à GoodPlanet Mag’. La plupart des études montrent qu’au niveau de l’emploi, par exemple, passer à une économie zéro carbone pourrait être, globalement, totalement transparent, voire bénéfique."
La France classée au 15ème rang des pays les plus vulnérables au dérèglement climatique
Et si l’Europe s’en sort chaque année mieux que les autres continents côté catastrophes naturelles et coûts associés (12 milliards d’euros en 2020), il n’est pas envisageable de considérer le réchauffement climatique comme un problème éloigné de nos vies et de nos préoccupations quand il est hors de portée géographiquement. De plus, contrairement aux idées reçues, la France est déjà affectée par les changements climatiques, plus particulièrement les Outre-mer.
"Si les pays de l’hémisphère sud sont plus vulnérables au dérèglement climatique, c’est aussi le cas de la France, que l’ONG Germanwatch a classé au 15ème rang de son Indice mondial des risques climatiques sur la période 1999-2018. Ce classement est dû en grande partie aux territoires ultramarins, dont la géographie les rend particulièrement vulnérables au dérèglement climatique", affirme le rapport de Notre Affaire à Tous. La France a ainsi connu, entre 1998 et 2017, une moyenne de 1121 décès par an dus aux intempéries "et une perte d’environ 2,2 milliards de dollars par an". Les pluies torrentielles dans le sud de la France ont fait partie en 2020 des événements européens les plus coûteux.
Chez nos voisins suisses, entre autres exemples à suivre, le Conseil fédéral a validé sa stratégie climatique à long terme il y a quelques jours (le 27 janvier), afin d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Selon le média local Heidi.news, "le Conseil s’est montré clair : l’inaction coûterait bien plus cher encore au pays".