2022 M05 6
Est-ce que notre quête permanente de la “mignonitude” des animaux est une pratique durable ? La question revient dans le débat public depuis que la Norvège, en début d’année, à décidé d’interdire l’élevage de deux races de chiens : le Bulldog anglais et le Cavalier King Charles Spaniel.
Depuis le mois de février, leur élevage est ainsi jugé incompatible avec le bien-être animal et notamment une loi norvégienne sur la protection des animaux, au motif que ce qui fait leur caractéristiques - des tronches trop mignonnes - leur cause aussi de nombreuses souffrances.
A force de croisements et de consanguinité, le Bulldog Anglais et le Cavalier King Charles Spaniel vivent aujourd’hui avec des traits physiques peu évidents à porter : l’un à le museau trop plat, et l’autre le crâne trop petit. Ils sont aussi plus vulnérables que la moyenne. "Beaucoup de nos races d'élevage sont très consanguines et portent un lourd bagage en termes de maladies" expliquait ainsi à l'AFP Åshild Roaldset, la présidente de la Société protectrice des animaux norvégienne.
Difficultés respiratoires et incapacités à se reproduire
Le Bulldog Anglais, par exemple, est ainsi un animal très attachant qui doit cependant faire face à de nombreux problèmes : des difficultés respiratoires, des problèmes dermatologiques et orthopédiques. Mais surtout ces chiens ont un véritable souci : ils éprouvent de grandes difficultés à se reproduire.
Plus de la moitié de ces chiens nés ces dix dernières années en Norvège ont été mis au monde par césarienne, et cette incapacité à se reproduire naturellement est l’un des sujets retenus par les juges pour interdire leur élevage.
De leur côté, les Cavalier King Charles ont donc une boîte crânienne trop petite qui leur pose également des soucis chroniques : problèmes oculaires, maux de tête et défaillances cardiaques. Il faut avouer qu’à la base, le chien (dont le nom scientifique est canis lupus familiaris) descend directement du loup gris (canis lupus) domestiqué par l’homme au paléolithique, il y a plus de 100 000 ans. Et de toute évidence, passer du loup gris au bulldog anglais ne s’est pas fait sans conséquences.
Une interdiction d’élevage, mais pas de vente
Cette décision de la justice norvégienne ouvre donc une nouvelle voie dans la reconnaissance du bien-être animal et questionne aussi - en termes éthiques - notre volonté de contrôler et de créer des races de chiens qui sont plus mignons que fonctionnels.
Il aurait été intéressant d'interroger à ce sujet Charles Darwin, père de la théorie de l’évolution. Car de nombreux chiens que l’homme a créés, le corgi par exemple, seraient aujourd’hui strictement incapables de se nourrir ou de se reproduire dans la nature.
Pour le moment, la Norvège fait figure de pionnière sur ce sujet et n’interdit que l’élevage de ces deux races de chiens : le fait d’en posséder, d’en acheter ou d’en importer ne sont pas interdits. Le gouvernement espère surtout que cela pourrait faire évoluer les pratiques afin de garder les caractéristiques de ces chiens, mais de les rendre un peu plus viable. “Si le Cavalier finit par avoir un crâne un peu plus spacieux pour abriter son cerveau, il restera le chien le plus mignon au monde”, estime ainsi la SPA norvégienne.