Gaspillage alimentaire : stop à la tyrannie des dates de péremption !

Too Good To Go, la célèbre application mobile qui met en relation commerçants aux bras chargés d’invendus et consommateurs, avait signé un livre blanc à ce sujet en 2019. À partir du 16 octobre, elle passe à la vitesse supérieure. L'objectif : que des générations traumatisées par des années d'obscures dates de péremption comprennent enfin à quoi elles correspondent. Et cessent de gaspiller.

De l’argent pour quels projets ? 

Malgré de nombreuses actions allant dans le bon sens, l’économie circulaire peine parfois à trouver son chemin. Et l’industrie agro-alimentaire, vu la nature périssable de ses produits, est en première ligne quand il est question de gaspillage massif.

De fait, malgré l’annonce récente du plan de relance du gouvernement (500 millions d’euros pour un « fond économique circulaire »), Arnaud Leroy, PDG de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l'énergie) est pessimiste : « De l’argent, il y en aura, ce n’est pas le sujet. La question est de mobiliser cet argent au bénéfice de projets bien construits ». Il est parfois difficile de faire bouger les mammouths législatifs. 

Le consommateur est un maillon critique de la chaîne 

Chez Too Good To Go, célèbre application mettant en relation commerçants aux bras chargés d’invendus et consommateurs (46 millions de « paniers » vendus, 52 000 partenaires, une appli téléchargée 26 millions de fois et désormais présente dans 15 pays depuis son lancement aux Etats-Unis en septembre), on tient le même discours. A l’échelle locale et micro-économique, on avance souvent plus rapidement. « Bien qu’on soit en contact avec les ministères, qu’on ait pesé sur l’extension de la loi Garot à la restauration collective et aux industries agroalimentaires (loi de 2016 sur le gaspillage alimentaire), les décideurs locaux ont souvent plus de latitude », assure Stéphanie Moy, porte-parole de l’entreprise.  

Ainsi, plusieurs mairies de grandes villes ont signé une charte #MaVilleAntiGaspi, afin de « mettre la lutte contre le gaspillage alimentaire au cœur des problématiques des communes ». Créer des cantines « zéro gaspi » ou allouer un budget à la lutte contre le gaspillage font partie des promesses. Mais ça ne suffira pas. Car le simple consommateur est souvent le maillon critique d’une immense chaîne de gaspillage. En cause notamment, les dates de péremption, qui ont traumatisé des générations de consommateurs.

10% du gaspillage alimentaire européen 

Si, en janvier, à la suite de la publication d’un livre blanc sur le sujet, une quarantaine d’acteurs de la filière alimentaire (industriels, assos, ONG, restaurateurs...) avaient déjà signé un pacte les engageant à améliorer la compréhension et l'utilisation des dates limites de consommation, Too Good To Go souhaite aller plus loin. Dès le 16 octobre, une campagne de sensibilisation nationale multi-supports, au cours de laquelle les réseaux sociaux seront en première ligne, sera lancée. « Date limite de consommation (DLC), date de durabilité minimale (DDM)... Ces dates sont souvent mal comprises », explique Stéphanie Moy. Elles recouvrent des niveaux de danger très inégaux et engendrent 10% du gaspillage alimentaire européen.  

Depuis la loi de 1984 imposant leur mention sur les produits préemballés, les Français en ont une peur irraisonnée. De plus, « les dates de péremption engendrent des pertes tout au long de la chaîne », rappelait début septembre dans La Tribune Lucie Basch, fondatrice de Too Good To Go. « Il faut utiliser ses sens, se faire confiance quand on s’apprête à consommer un produit. »

« Les dates de péremption engendrent des pertes tout au long de la chaîne »

Le gaspillage alimentaire, troisième plus gros pollueur de la planète

L’une des mesures fortes de la nouvelle loi anti-gaspillage de 2019 concernait l’interdiction de la destruction des produits non alimentaires invendus. Mais elle ne mentionnait pas les denrées alimentaires, soumises à la loi de 2016. Et tant que l’industrie n'ajoutera pas « et après » à sa fameuse phrase « à consommer de préférence avant » (c’est désormais le cas en Norvège), le gaspillage alimentaire demeurera le troisième plus gros pollueur de la planète, derrière la Chine et les Etats-Unis. Il est donc grand temps de cesser de sous-estimer notre rôle dans cette chaîne, afin de faire bouger les lignes.

  • À lire aussi