L’Europe détruit des barrages pour libérer les poissons migrateurs

239 barrages désaffectés détruits en 2021 dans les rivières européennes : un record et une bonne nouvelle pour les écosystèmes. Selon une étude de 2020, plus d’un million de barrages et autant d’obstacles entravent le passage des poissons migrateurs de nos rivières. Résultat : leur population a diminué de 93 % en Europe. Mais les choses sont en train de changer !
  • Au 20e siècle, l’industrialisation et la recherche de productivité a littéralement canalisé les rivières en Europe. En construisant des digues et des barrages on a détruit, au passage, les écosystèmes indispensables à leur biodiversité et aux cycles de l’eau. Selon une étude de 2020, plus d’un million de barrages, gués, déversoirs et autres écluses entravent les rivières européennes. Ce qui signifie qu’un poisson ne peut pas parcourir plus d’un kilomètre sans buter sur un obstacle. Résultat : la population de poissons migrateurs a diminué de 93 % en Europe ces cinquante dernières années.

    Les barrages bloquent les saumons, les truites ou les esturgeons et les privent d’un espace pour se reproduire. Autres inconvénients : les anciennes constructions humaines affectent également la qualité de l’eau, déconnecte la rivière de la nappe phréatique et entraînent l’érosion des berges. Aujourd’hui si on retire les ouvrages utiles il en reste 150 000 qui ne sont plus utilisés mais qu’on n’a jamais pris la peine de retirer. Trop cher pour les collectivités qui préfèrent fermer les yeux plutôt que d’entamer des travaux parfois coûteux. Heureusement depuis une vingtaine d’années on entame le chemin inverse avec des résultats spectaculaires.

    Que se passe-t-il lorsqu'une rivière est libérée du barrage qui entrave son cours ? Comment se réimplantent la faune et la flore ? Et quels regards les acteurs et les habitants du territoire portent-ils sur ce nouveau paysage ? Pour le savoir, il suffit d’observer l’exemple du projet de renaturalisation du Manzanares à Madrid, entrepris en 2017. Cette rivière, jusque-là moribonde, est aujourd’hui entourée de roseaux et de saules, fréquentée par des hérons et des martins-pêcheurs. Après avoir ouvert les vannes des écluses et laisser l’eau de la Sierra de Guadarrama couler librement dans la ville, le niveau a immédiatement baissé. De trois à quatre mètres de fond, la rivière, qui n’était qu’un canal malodorant s’est transformée en petit torrent. Depuis 1955, elle était prisonnière des digues. En quelques mois, l’eau est redevenue transparente, laissant voir ses beaux fonds sableux.

    L’exemple de l’Espagne

    D’ailleurs, en Europe, l’Espagne est la tête du mouvement de restauration de la continuité naturelle des cours d’eau. À elle seule, elle a retiré plus de barrages en 2021 (108) que l’ensemble des autres pays européens en 2020. Avec 39 barrages retirés en 2021, la France est à la troisième place, juste derrière la Suède. Pourquoi ? Parce que la législation espagnole oblige le propriétaire à payer pour l’enlèvement de son infrastructure une fois qu’il cesse de l’utiliser, ce qui accélère la démolition des barrages à travers le pays. L'Europe s'est quant à elle engagée à restaurer 25 000 kilomètres de rivière sans entrave sur son territoire d'ici à 2030.

    Autre acteur de poids : la coalition Dam Removal Europe qui réunit sept organisations, dont la World Fish Migration Foundation et le WWF. Depuis 2016, cette coalition se bat pour le retrait des barrages superflus. Avec un certain succès, puisque dans son dernier rapport, Dam Removal Europe annonce cette fameuse année record : 239 barrages retirés dans 17 pays en 2021, soit une hausse de 137 % par rapport à 2020. À ce jour, Dam Removal Europe revendique près de 5 000 barrages retirés au total. Le programme Open Rivers lancé par l’Europe en octobre 2021 va dans le même sens, grâce à un don de 42 milliards de dollars à distribuer aux collectivités pour renaturalisation d'un cours d’eau.

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