

Covid-19 : la France est-elle prête à gérer le grand "stress post-traumatique" ?
"Covids longs", personnes endeuillées ou victimes indirectes de la pandémie... les raisons de redouter un supposé "retour à la normale" sont nombreuses. La vie d’avant fait peur à certains Français. Les professionnels de santé sont donc sur le pont pour gérer le grand "PTSD" à venir.
2021 M05 27
Avec l’arrivée de l’été, la courbe descendante des contaminations et l’efficacité confirmée des différents vaccins contre la Covid-19, il semblerait que la France soit enfin sur le chemin d’un retour à la "normalité". Mais après un an et demi de peur face à la maladie et de doutes quant à notre avenir (individuel et commun), comment reprendre sereinement sa vie d’avant sans séquelles ? Pour certains, il sera en effet difficile de se réadapter, ne serait-ce qu’à cause de la peur de replonger dans une nouvelle phase de la pandémie. Ou parce que le trop plein d’informations contradictoires et anxiogènes a causé un traumatisme.

Les étudiants et les enfants ne sont pas les seuls en détresse
Quid de la population active ? Comment lutter contre le grand stress post-traumatique, qui va statistiquement toucher toutes les couches de la population ? Les enquêtes menées par Santé Publique France depuis 2020 montrent ainsi que la proportion de Français témoignant d’états anxieux ou dépressifs a augmenté depuis un an, pour toucher aujourd’hui 30% de la population hexagonale.
Il y a déjà tous les survivants Covid, nouvelle maladie aux symptômes foudroyants et vrai traumatisme pour les "cobayes" qui ont eu le malheur de croiser sa route en premier. Plusieurs études d’universités britanniques tendent à montrer que les patients admis en soins intensifs vont certainement développer un PTSD (Post-Traumatic Stress Disorder), poussant ces dernières à demander au gouvernement la création d’un programme de dépistage national. La France est-elle prête pour un combat similaire ? "Les troubles mentaux liés à la maladie sont encore à l’étude", précise Constance Flamand-Roze, docteure en neurosciences et hypnothérapeute.
Viennent ensuite les fameux "Covids longs", moins traumatisants sur le papier, mais dont les séquelles psychiatriques s’ajoutent aux subtiles difficultés physiques rencontrées chez soi. Fatigue, essoufflements, douleurs musculaires… L'Inserm a constaté sur plus de 1000 anciens patients Covid que 60% d’entre eux présentaient encore au moins un symptôme de la maladie. Cette étude promet de suivre les mêmes patients pour effectuer des bilans à douze et à dix-huit mois. Les solutions pour éviter les cas stress post-traumatiques de tels patients tarderont donc à venir.
« Quatre parents sur dix auraient déclaré avoir observé des signes de détresse chez leur enfant lors du premier confinement. »
D’autant que, suivant l’état de notre psyché, beaucoup d’entre nous ne se rendront pas compte tout de suite de l’étendue des effets délétères. Anxiété, perte de sommeil et irritabilité ne sont pas les seuls symptômes… Pour contrer les dégâts psychologiques sur les enfants et les adolescents, dont l’état inquiète actuellement les professionnels de santé (une augmentation de 40% de jeunes hospitalisés observée dans les urgences psychiatriques depuis mars 2020), Emmanuel Macron a par exemple annoncé début mai la mise en place du "forfait psy" pour les enfants de 3 à 17 ans qui souffriraient de troubles psychiques "légers à modérés". Quatre parents sur dix auraient en effet déclaré avoir observé des signes de détresse chez leur enfant lors du premier confinement.
Concernant les étudiants, dont les difficultés, non seulement financières, mais aussi psychologiques, ont été longuement documentées dans les médias (y compris sur Les Éclaireurs) et sur les réseaux sociaux, près de 1500 psychologues se sont portés volontaires pour assurer bénévolement une série de trois entretiens gratuits auprès de chaque jeune éprouvant le besoin de se confier. Des séances prises en charge par les établissements d'enseignement supérieur grâce aux "chèques psy", une initiative lancée en février.

Covid-19 : des conséquences directes… et indirectes
Quant aux personnes non touchées directement par la maladie, mais affectées par les nombreuses restrictions, la solitude, la peur de l’avenir, les conséquences économiques ou la maladie d’un proche (voire un deuil), les résultats sont encore très volatils et seront difficile à compiler. Ce groupe constitue en effet l’immense majorité de la population. Plusieurs psychologues, médecins généralistes et addictologues interrogés pour cet article s’accordent à dire qu’ils ont observé une augmentation du nombre de consultations depuis un an, y compris chez les personnes pourtant a priori épargnées par la maladie.
Le sommeil est notamment un bon indicateur de l’état général de la France : si un Français sur deux souffre habituellement de troubles, ce nombre est monté à trois citoyens sur quatre depuis l’épidémie de Covid, selon une étude du Centre du sommeil et de la vigilance (APHP). Plus largement, France Assos Santé organisait il y a quelques jours un webinaire abordant la santé mentale en temps de Covid (sous-titré "De décrochage social à la dépression, comprendre, s’adapter et prévenir les effets inconscients de l’épidémie sur notre santé mentale"). Selon Pierre-Michel Llorca, intervenant et professeur en psychiatrie à l’université Clermont-Auvergne, "il y a effectivement des troubles psychiques liés au Covid-19. Et puis il y a ceux qui découlent de ses conséquences et de la période que nous vivons".
Les professionnels de santé encouragent donc à consulter le plus vite possible si vous ne vous sentez pas bien, y compris en pleine réouverture du pays, une période prétendument joyeuse et positive. Signe que tout le monde ne trouve pas son compte dans ce retour à la normale, le nombre d’agoraphobes et autres hikikomori (reclus sociaux) a augmenté en France. "Le principal facteur de protection, c’est le support social, la manière dont on prendra soin des uns des autres", promettait Pierre-Michel Llorca la semaine dernière. Retrouver notre vie d’avant prendra du temps; un temps nécessaire pour faire disparaitre cette grande plaie invisible nommée Covid-19.