Le retour des trains de nuit peut-il aider à lutter contre la pollution ?

Alors que des liaisons ferroviaires renaissent de leurs cendres après être tombées en désuétude, le train peut-il vraiment sauver la planète France ? Au vu des régulières polémiques entourant les pour et contre le "tout-aviation", rien n'est moins sûr.

Ce n’est pas une nouveauté, l’avion n’a plus la cote en France. Particulièrement les courts courriers, dont le rayon d’action d’environ 500 kilomètres fait dire à beaucoup qu’ils pourraient être facilement remplacés par des solutions plus écologiques. Et ce, malgré les réticences de nombreux concitoyens et les polémiques que ces dernières impliquent, notamment lorsque quelques mairies écologistes tentent de rappeler à l’ordre les tenants du tout-kérosène.

La dernière en date est venue de Poitiers la semaine dernière, lorsque Léonore Moncond'huy, maire EELV de la ville, a annoncé une baisse des subventions municipales à deux aéroclubs locaux. "Le transport aérien ne doit plus faire partie des rêves d'enfants", a-t-elle lancé fin mars en plein conseil municipal, invoquant l’urgence climatique. Ses propos ont suscité de vives réactions dans le monde politique et médiatique.

Au-delà des anecdotiques aéroclubs, qui ne concernent qu’une poignée de Français, les élus EELV se battent pourtant depuis plusieurs années pour que le train fasse son retour de manière plus pérenne dans la vie du pays. Notamment les trains de nuit, lentement abandonnés au fil des années. "La quasi-mise à mort des trains de nuit a été actée en 2016 par le gouvernement. Aujourd’hui, deux lignes subsistent : Paris-Rodez/Latour-de-Carol/Cerbère et Paris-Briançon. Les autres ont subi un lent sabordage permettant de justifier leur abandon", résumait le parti Europe Écologie-Les Verts il y a quelques années.

De nouveaux trains de nuit disponibles sur le site de la SNCF

Karima Delli, candidate unique de la gauche aux élections régionales de juin prochain (dans les Hauts-de-France), avertissait alors : "Si la fréquentation des trains de nuit a baissé toutes ces années, c’est que leur nombre a été considérablement diminué. C’est logique. Plus on les réduira encore, plus l’offre ne sera pas à la hauteur de la demande."

Depuis, de nombreux élus poussent pour que ces fameux trains de nuit redeviennent une alternative aux vols internes, en suivant des critères précis de distance et de temps. Un arrêté va même être pris pour empêcher la reprise des vols intérieurs abandonnés par Air France, a annoncé en juin 2020 Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État chargé des Transports "Il n'est pas envisageable que des opérateurs quels qu'ils soient, notamment low cost, s'octroient les lignes laissées libres", disait-il alors au micro de RTL.

Lors de l’interview donnée le 14-Juillet dernier, Emmanuel Macron a même promis de "redévelopper massivement le fret ferroviaire, les trains de nuit et les petites lignes". Depuis fin février, quelques Nice-Paris/Paris-Nice sont ainsi réservables sur le site de la SNCF. D’ici à la fin de l’année, deux autres lignes nocturnes seront lancées : Paris-Tarbes et Paris-Munich-Vienne, exploitée dans le cadre d’un partenariat entre la SNCF et des compagnies de chemin de fer européennes.

Mais quid de la pollution que ces nouvelles lignes éviteront ? Les trains de nuit pèseront-ils vraiment dans la balance de la lutte contre le réchauffement climatique ?

Réduire de 6,6% ou de 60% les gaz à effet de serre, il faut choisir 

Selon un rapport publié par le Sénat fin 2019, "le secteur des transports, qui représente environ 30 % des émissions de CO2, a dépassé de 12,6 % son budget carbone en 2018". Deux ans plus tard, finis les trajets intérieurs en avion quand il existe une alternative en train en moins de 2h30, a ainsi annoncé fin janvier Barbara Pompili, la ministre de l'Écologie.

Voyager en avion polluerait en effet jusqu’à soixante fois plus que si l’on prend le rail, selon un rapport de Greenpeace récemment remis au gouvernement. Son nom, éminemment politique et pile dans l’air du temps ? "Empêcher le redécollage des vols courts". "En termes d'émissions de CO2 par passager, la différence entre le train et l'avion, pour un même trajet, est considérable, souligne l'association. Par exemple, pour un trajet Paris-Marseille, on émet 53 fois plus de CO2 quand on fait le trajet en avion plutôt qu'en train."

Si même Emmanuel Macron et son gouvernement semblent prêts à mettre les mains dans le cambouis, paradoxalement, le Paris-Marseille, Paris-Nice et Paris-Toulouse ne seraient pas concernées par l'interdiction à venir, après notamment un lobbying intense d’Airbus. "Le plan du gouvernement de supprimer les vols à moins de 2h30 en train ne réduirait que de 6,6 % les émissions de CO2 issues des vols métropolitains et de 0,5 % les émissions de l'ensemble des vols au départ de la France", soulignait fin janvier au Parisien les militants du Réseau Action Climat.

Ces derniers préconisent de supprimer les vols "domestiques" lorsque le train relie deux points A et B en moins de 5h, soit 39 vols sur 108 liaisons internes en France. Couper la poire en deux ne sera donc pas assez pour que la différence de pollution soit énorme, mais c’est un bon début. Combinées au flygskam  pour effectuer de courtes distances facilement réalisables en train, ces mesures devraient faire effet boule de neige.

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