2022 M07 1
Ce 24 juin 2022 est à marquer d’une croix rouge dans nos agendas, pour se souvenir qu’à cette date, la Cour suprême des États-Unis a invalidé l’arrêt Roe vs Wade, supprimant de fait le droit à l’avortement au niveau fédéral et laissant à chaque État américain la liberté de décider de l’autoriser ou de l’interdire. Un recul historique pour le droit des femmes qui nous rappelle évidemment ces mots de Simone Veil :
“Il suffira d'une crise politique, économique et religieuse, pour que les droits des femmes, nos droits, soient remis en question. Votre vie durant, vous devrez demeurer vigilantes.”
Dans la foulée, de premiers États américains ont commencé à signer des décrets interdisant l’IVG aux femmes qui, comme par le passé, vont désormais devoir trouver des parades, vivre dans la peur et l’illégalité. Et très rapidement, c’est un parfum de science-fiction qui a envahi les réseaux sociaux, levant le voile sur une menace à laquelle on ne pensait pas : les applications de suivi menstruel.
Cachez ces données qui pourraient se retourner contre vous
Les applications de suivi menstruel sont de plus en plus utilisées, dans tous les pays du monde. Les principales applications du marché (Clue, Flo ou Glow) revendiquent plus de 60 millions d’inscrites à travers le monde, ce qui correspond peu ou prou à la population de la France.
Le problème ? C’est que dans un pays où les actions en justice sont nombreuses et où les entreprises sont régulièrement sommées de transférer aux juges les données qu’elles récupèrent, il apparaît plus que probable que les applications de suivi menstruel puissent être retournées contre leurs utilisatrices : en cas d’enquête sur un avortement clandestin, il serait ainsi possible de “tracker” facilement les grossesses et donc leurs interruptions.
Un monde à la 1984 qui pousse les américains à s’organiser pour faire face à la menace et à proposer des conseils pour s’organiser en conséquence. Avec, comme première initiative, celle de supprimer ces applications, mais aussi de réclamer aux entreprises concernées le fait qu’elles effacent leurs données personnelles.
Delete your period tracking apps today.
— Jessica Khoury (@jkbibliophile) June 24, 2022
Le second conseil prodigué par de nombreuses femmes animant des fils twitter consiste ensuite à se détourner des applications américaines au profit des applications européennes, qui sont protégées par le RGPD et qui, ainsi, garantissent une plus grande indépendance vis-à-vis de la justice américaine.
Utiliser des méthodes alternatives au lieu des applications ?
En parallèle, la plupart des applications concernées ont immédiatement rassuré leurs communautés sur le fait qu’elles allaient protéger ces données au maximum… Mais jusqu’à quel point ?
Face à l’ampleur du sujet, de nombreuses femmes recommandent désormais à leurs pairs de revenir à des méthodes plus “traditionnelles” comme le fait d’utiliser un cahier pour suivre sa fertilité. D’autres femmes préconisent aussi - dans les États où l’IVG sera interdite - de se prémunir très vite du suivi des données personnelles en faisant attention à leurs routines d’achats. Concrètement, elles invitent ainsi à ne plus payer leurs produits d’hygiène menstruelle, de tests d’ovulation et de grossesse par carte bancaire, mais de le faire en cash, d’éviter absolument les achats en ligne mais aussi de ne pas utiliser de cartes de fidélité, qui sont des aspirateurs à données personnelles.
Des craintes et des solutions qui nous rappellent donc - avec une pointe de dégoût - que la liberté ne tient qu’à un fil et qu’il est très important de la préserver.