2023 M07 17
Sous l’égide de Bérangère Couillard, secrétaire d’État chargée de l’Écologie, s’est tenue ce 30 janvier une importante réunion comprenant près de 70 structures (industriels, distributeurs, ONG, associations d’élus de consommateurs…) afin de lancer une nouvelle concertation autour de la mise en place éventuelle d’un système de consigne pour la collecte et le recyclage des bouteilles en plastique en France.
Sur le papier, l’idée est géniale : vous achetez votre bouteille en plastique légèrement plus cher, de l’ordre de 10 à 15 centimes de plus. Une somme qui vous est restituée ensuite sous forme de bon d’achat lorsque vous ramenez la bouteille dans les automates installés dans les grandes surfaces. Et avec ces bons d’achat, vous retournez faire vos courses. Un cycle gagnant-gagnant qui incite à ramener ses contenants pour qu’ils soient collectés et recyclés ensuite. Une bonne chose ? Pas forcément.
Il est vrai qu’en France, la collecte des emballages en plastique n’est pas exemplaire. La collecte des bouteilles en plastiques, en particulier, stagne autour des 60%. Ce qui veut dire que 4 bouteilles sur 10 terminent leur vie dans la nature et participent à polluer les cours d’eau. L’objectif fixé par l’Union Européenne, c’est d’atteindre 90% de collecte des bouteilles en plastique en 2029. Il y a donc urgence à agir. Et c’est pour ça que la consigne pourrait être intéressante. Elle reprend d’ailleurs un concept - celui de la consigne pour réemploi - qui était utilisé jusque dans les années 1950 pour récupérer les bouteilles en verre.
Pourtant, ce projet est loin de faire l’unanimité aujourd’hui. Il a d’ailleurs été retiré in extremis du projet de loi anti gaspillage et économie circulaire en 2020 face à la gronde des collectivités et des ONG. Alors, si la consigne est pertinente sur le papier, pourquoi est-ce que dans la réalité, les villes et les associations environnementales la refusent ?
Un procédé qui mine les efforts des villes en faveur du recyclage
En premier lieu, ce projet de consigne pour le recyclage des bouteilles en plastique est rejeté massivement par les Maires de France, qui sont directement chargés de la collecte des déchets ménagers sur leur territoire. Ce qu’il faut savoir, c’est que les vendeurs de bouteilles en plastique sont légalement responsables de récupérer leurs déchets. Pour cela, elles financent un éco-organisme appelé Citéo. Et pour récupérer les bouteilles sur le territoire, Citéo finance les collectivités. Ainsi, chaque ville gagne de l’argent en fonction du nombre de bouteilles qui sont récupérées dans nos poubelles jaunes.
Or, avec le système de consigne, une partie des bouteilles ne seraient plus mises à la poubelle par les citoyens, mais renvoyées dans des grandes surfaces. Un système qui ferait perdre de l’argent aux villes qui ont justement investi massivement dans des centres de tri pour gérer ces déchets.
Par ailleurs, la loi a récemment harmonisé les consignes de tri sur le territoire national pour que tout le monde puisse mieux trier les déchets et qu’un maximum d’emballages en plastiques aillent dans nos poubelles jaunes. Or, avec ce système de consigne, il y a un risque de confusion et une charge supplémentaire qui va peser sur les consommateurs.
Une charge qui pèse encore sur les consommateurs
Un autre point faible de la consigne pour recyclage, c'est donc qu'elle risque de mettre le bazar dans la tête des ménages à qui on a répété qu’il fallait mettre les emballages dans la poubelle jaune et qui vont désormais avoir un choix supplémentaire sur ce sujet. Surtout, il y a un risque de voir les consommateurs payer deux fois pour un même service.
Car, nous payons déjà tous une taxe auprès des villes pour l’enlèvement des ordures ménagères. Mais pour bénéficier du remboursement de sa consigne, il faudra impérativement retourner au magasin avec sa bouteille vide. Donc, si vous l’avez jeté à la poubelle dans la rue, où si vous l’avez mise à la poubelle chez vous parce que vous avez la flemme d’aller au magasin pour ça, eh bien c’est de l’argent que vous aurez perdu.
La consigne favorise l’idée du tout-jetable
Enfin, si les associations environnementales sont vent-debout contre ce projet de consigne pour recyclage, c’est parce qu’il est complètement soutenu par les metteurs sur le marché qui y voient une manière de rendre acceptable l’idée d’acheter des emballages jetables.
En effet, l’aspect ludique de la machine qui rend de l’argent quand on lui rapporte une bouteille risque d’inciter à l’achat d’encore plus de bouteilles en plastique à l’avenir, ce qui est tout à fait contraire à nos objectifs environnementaux.
Alors, ces bouteilles collectées partiront au recyclage, et c’est là l’argument principal des soutiens de la consigne. Sauf que le recyclage du plastique est un procédé très complexe et imparfait. Mais pour le résumer, il faut garder à l’esprit qu’on ne refait pas une bouteille en plastique à partir d’une bouteille usagée. Le plastique recyclé est d’abord refondu puis mélangé à du plastique brut pour ensuite créer un nouvel objet. Donc, cela nécessite de continuer de produire du plastique (matière issue du pétrole) là où notre consommation de ce matériau est censé diminuer.
Ce que les ONG proposent, c’est au contraire de consommer moins de plastique via des emballages réutilisables ou des matériaux bio-sourcés, ce qui donne lieu à des innovations intéressantes. Mais en l’état, le projet de consigne reste un projet limité sur le plan écologique. Le Gouvernement se donne encore jusqu’au mois de juin pour se positionner sur le sujet.