Quelles sont les alternatives aux tests sur les animaux en laboratoire ?

Selon un récent sondage Ipsos pour l’association One Voice, les Français seraient majoritairement opposés (74%) aux expérimentations sur les animaux. Mais peut-on vraiment se passer d'eux ?
  • En 2013, l’Union européenne interdisait les tests sur les animaux dans le domaine de la cosmétique (savons, parfums, dentifrices, crèmes, etc.). Mais ce n’est pas pour autant qu’en France, toutes les expérimentations sur des animaux se sont arrêtées depuis. Car celles-ci sont encore pratiquées pour faire progresser la biologie et la recherche médicale.

    Dans une enquête statistique menée par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, il est indiqué que 1 643 787 animaux ont été utilisés en laboratoires en 2020, principalement des souris (63%), des rats (9,1%) et des lapins (8,8%), dans la recherche fondamentale, les recherches appliquées ou encore les études toxicologiques et réglementaires. Ses tests, jugés « indispensables » par l’Institut des sciences biologiques du CNRS pour protéger et améliorer la santé des humains, sont pourtant vivement contestés, que ce soit par les activistes, par les défenseurs de la cause animale mais aussi par les citoyens. 

    Que pensent les Français ?

    Dans un récent sondage Ipsos pour l’association One Voice mené sur 1000 personnes, on apprend que « les Français sont très largement (74%) défavorables au principe même de l’expérimentation animale », et que « 43% d’entre eux se déclarent même tout à fait défavorables. Quel que soit le type de produit sur lequel ils sont interrogés, les Français soutiennent l’interdiction de l’expérimentation animale ». Dans les laboratoires français, « la grande majorité des utilisations concernées (74 %) sont liées à la validation de médicaments à usage humain ou vétérinaire, en incluant les vaccins », peut-on lire dans le rapport du ministère. La question : est-il possible de se passer des tests sur les animaux ? Et si oui, comment ?

    Mais comment ça se passe dans les labos ?

    Depuis 1959, la règle des 3R (Réduire, Remplacer, Raffiner) « constitue le fondement de la démarche éthique appliquée à l’expérimentation animale en Europe et en Amérique du Nord », comme l’explique l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris).

    Elle consiste à raffiner les méthodes utilisées pour amoindrir la souffrance des animaux, à réduire le nombre d’animaux utilisés puis à remplacer les méthodes actuelles par des processus alternatifs. Les méthodes de remplacement in vitro (modèles cellulaires) ou in silico (modèles mathématiques) sont les plus courantes. Les premières reposent sur des essais qui sont réalisés en dehors d’un organisme vivant puisque les manipulations sont effectuées sur des tissus, des organes ou des cellules isolées (des bactéries, des modèles de tissus reconstruits, etc.). Cette méthode a notamment permis à l’industrie cosmétique de se passer des animaux. Pour les méthodes in silico, il s’agit de procédés numériques : les organismes sont modélisés et les expériences ainsi que les tests sont effectués de manière digitale. La limite ? Les éléments à reproduire sont souvent trop complexes et les modélisations se basent uniquement sur les connaissances scientifiques antérieures. Elles peuvent donc être incomplètes ou faussées si, par exemple, une interaction n’a pas été étudiée ou documentée dans le passé.

    Dès que cela est possible, ces méthodes alternatives sont utilisées, notamment pour des raisons éthiques et dans le respect de la règle des 3R. Mais comme l’écrit l’université de Genève, « l’expérimentation animale reste indispensable lorsque l’organisme doit être considéré dans son ensemble et avec toute sa complexité (étude du comportement, du métabolisme, du développement embryonnaire, des maladies infectieuses ou génétiques). » Les tests sur les animaux sont donc toujours privilégiés pour étudier les effets systémiques sur un organisme en entier, notamment pour les tests des médicaments et vaccins destinés à l’homme ou pour évaluer la toxicité des produits chimiques. 

    Donc les carottes sont cuites pour les animaux ?

    Il ne faut pas être fataliste pour autant. Les peaux artificielles sont également des alternatives qui permettent d’éviter l’utilisation des animaux. Les tissus humains sont reconstruits (en 3D par exemple) et permettent de vérifier la toxicité d’un produit qui sera ensuite mis sur le marché. Ces fausses peaux permettent aussi d’étudier les maladies cutanées. Le micro-dosage sur les êtres humains est aussi une solution explorée pour étudier l’impact au niveau cellulaire. 

    En septembre 2021, le Parlement européen a approuvé une résolution en faveur d’une accélération des expérimentations sans animaux dans la recherche, les tests réglementaires et l’enseignement. En décembre 2022, les gouvernements de la Fédération Wallonie-Bruxelles ont décidé de s’unir pour le développement des méthodes alternatives, mettant l’accent sur l’impression 3D des tissus biologiques, sur les systèmes in vitro « multi-organes visant à reproduire la complexité biologique du corps humain » et les méthodes in silico.

    Il y a donc plusieurs raisons de croire que ces alternatives continueront de gagner en popularité. Elles peuvent permettre de réduire les coûts des expérimentations menées et donner de la matière marketing aux laboratoires, qui peuvent communiquer sur le fait que leurs tests n’utilisent pas d’animaux. Mais des investissements financiers afin de faire évoluer la science et des politiques fortes sont essentiels pour poursuivre le travail entamé et réussir à développer des solutions alternatives viables et fiables afin d’éliminer progressivement les expérimentations animales. En Europe, d’après l’association PETA, « plus de 10 millions de vies seraient épargnées chaque année. »

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