2023 M07 3
Pouvons-nous mettre fin à la pollution plastique d’ici 2040 ? Difficile d’y croire tant les chiffres — 350 millions de tonnes de déchets de plastique sont générées chaque année à l’échelle de la planète — sont démesurés.
Mais ce sont les premiers objectifs fixés, et en cours de discussion, par une délégation de 175 pays réunie à Paris du 29 mai au 2 juin afin d’avancer sur un traité international sur la pollution plastique. La France est favorable à des politiques fortes afin de mettre fin à ces déchets dès 2040, tandis que d’autres pays comme les États-Unis ou la Chine — grands consommateurs, producteurs et exportateurs de plastique — sont moins optimistes.
Réduire la production, améliorer le recyclage — qui stagne aujourd’hui à moins de 10% au niveau mondial — ou encore promouvoir les alternatives biodégradables : le plan de route à définir paraît clair. Mais d’après les premières négociations, les intérêts de chaque pays sont pour l’instant prioritaires face aux enjeux environnementaux globaux.
Life in plastic, it’s fantastic ?
Si aujourd’hui, le plastique fait partie de notre quotidien, avant les années 1950, son utilisation était minime. Comme le rappelle le Journal du Dimanche, « la production de plastiques a connu ces dernières décennies une croissance exponentielle, passant de 1,5 million de tonnes produites en 1950 à l’échelle mondiale à 335 millions de tonnes en 2016 ».
Selon Le Monde, en l’espace de 70 ans, ce sont 8,3 milliards de tonnes de déchets plastiques qui se sont accumulées sur Terre. Des chiffres qui poussent fatalement à tirer la sonnette d’alarme, et qui poussent les pays à s’organiser face à ce désastre écologique. Si on remonte dans le temps, on s’aperçoit que tout s’est accéléré pour le plastique durant l’entre-deux-guerres. Le cellophane est inventé en 1913, puis le polychlorure de vinyle en 1927, le polystyrène et le nylon en 1938… ces matières plastiques, qui sont produites à partir du pétrole ou du gaz naturel (ce qu’on appelle la pétrochimie) deviennent accessibles, abordables et le symbole d’une industrialisation de masse dans les pays développés.
Mettre fin à la pollution plastique par un traité international contraignant.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) June 4, 2023
La France y est engagée et accueillait cette semaine les négociateurs de 175 pays pour avancer.
Nous accélérons. Nous l’avons défendu : un projet de traité sera présenté d’ici novembre.
La mondialisation du plastique, le début de la fin
Après la Seconde guerre mondiale, on retrouve le plastique un peu partout, dans nos objets et achats du quotidien : téléphones, emballages alimentaires, Tupperware, décorations, mobiliers, jouets, voitures, etc. Le plastique, plus souple et moins cher, remplace dans certains cas l’acier et d’autres matériaux comme le bois ou le papier.
Entre 1950 et 1970, la production se concentre sur quelques pays, notamment les États-Unis, le Japon, l’Angleterre ou encore la France. Comme l’explique The Conversation, les premières bouteilles en plastique (Vittel en France) apparaissent en 1968. Durant les Trente Glorieuses (1946-1975), l’utilisation du plastique se généralise et commence alors son ascension : « en 1980, le monde produisait 60 millions de tonnes de plastiques, puis 187 en 2000, 265 en 2010 et 348 millions de tonnes en 2017, soit une croissance moyenne de 8,5 % par an depuis 1950 et sa production de 1,5 million de tonnes. ».
L’emballage devient alors premier secteur d’utilisation du plastique, notamment celui à usage unique. Et au-delà de son coût relativement bas, le secteur de l’agroalimentaire utilise le plastique pour des questions d’hygiène et de conversation des aliments (il est utile contre les microbes, bactéries, la lumière, les moisissures, etc.).
Le gros problème : à partir des années 1980, 80% du plastique — et notamment celui à usage unique — est rejeté dans des décharges ou dans la nature (et donc dans les océans). « Une des caractéristiques du plastique, notamment dans le secteur de l’emballage, est que sa durée d’utilisation peut être fort courte. Les plastiques sont en général utilisés une fois, puis jetés pour un éventuel recyclage. Roland Geyer de l’université de Californie a calculé que sur les 8,3 milliards de tonnes de plastiques produites depuis 1950, 5,8 avaient été jetées et que là-dessus, 500 000 tonnes avaient été recyclées et 700 000 tonnes incinérées. Cela laisse 4,6 milliards de tonnes quelque part dans la nature et notamment dans les océans. » La croissance du plastique est exponentielle, son recyclage très faible et ses conséquences sur l’environnement catastrophiques. Le monde court vers un désastre.
🔴Chaque année, 430 M de tonnes de plastique sont produites,
— UNESCO en français (@UNESCO_fr) June 1, 2023
↪️dont plus des 2/3 deviennent immédiatement en déchets.
⚠️Sans action urgente pour #CombattreLaPollutionPlastique, ce chiffre pourrait tripler d’ici 2060.
Faisons la paix avec la nature. https://t.co/h1hIse24Mi pic.twitter.com/YRB3IcDqtD
Si les années 1990 sont marquées par l’arrivée de bioplastiques — considérés comme plus écologiques mais qui ne sont pas pour autant biodégradables ou forcément une meilleure solution pour la planète — le plastique continue de prendre une place considérable.
En 2015 en Corée du Sud, ce sont 100 kilos de plastique consommé par habitant et par an, contre une estimation de 60 kilos pour des Européens de l’Ouest. Une pollution massive qui pourrait même continuer d’augmenter si aucun engagement n’est pris : le total des déchets plastiques produits à l’échelle mondiale pourrait atteindre 12 milliards de tonnes d’ici 2050 selon une étude de l’université de Georgie. Une question : que faire pour enrayer la machine plastique, surtout quand on observe depuis des années les conséquences de sa pollution (décès à cause de la mauvaise gestion des déchets et des fumées toxiques, océans pollués, espèces menacées, etc.) ?
Jour 7 du #NoPlasticChallenge : Je choisis des fruits et légumes sans emballage 🍓🍏🍌
— NO PLASTIC IN MY SEA (@noplasticfrance) June 4, 2023
Les fruits et légumes, même #bio, sont souvent sur-emballés en plastique.
Et si on évitait systématiquement les fruits et légumes emballés sous plastique ?#stopplasticpollution #zéroplastique pic.twitter.com/ceHpsYlmkk
Le recyclage, une solution viable ?
Les avis divergent selon les spécialistes. Selon certains, il est illusoire de croire au « zéro plastique » puisque qu’il serait compétitif sur un plan économique mais aussi parfois sur un plan environnemental (il remplace le bois ou le papier qui ont une empreinte carbone forte).
Parmi les pistes envisagées, il serait plus judicieux de mettre l’accent sur le recyclage et la revalorisation de ces déchets mais aussi sur le développement des matériaux biodégradables. Il faudrait aussi élargir à tous les pays l’interdiction de certains produits à usage unique, comme en France depuis 2017 et 2021 (les sacs plastique, les couverts, les assiettes, les gobelets, les pailles, les touillettes, etc.). Ceci étant dit, selon Nathalie Gontard, directrice de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), interrogée par Le Monde,« le recyclage du plastique est une illusion. Il ne peut réduire la pollution plastique que s’il permet de régénérer à l’identique et en théorie à l’infini l’objet en plastique ».
Dans un monde parfait, il faudrait réussir à se débarasser de notre dépendance au plastique, bon marché et ultra pratique pour énormément de secteurs. Des politiques fortes, aux niveaux nationaux et internationaux, sont donc nécessaires pour inverser la tendance. Et donner un peu d’air afin que la planète puisse mieux respirer.
Ces changements vont aussi demander des investissements collosaux de la part des industriels pour trouver des alternatives aux plastiques qui seront adaptées aux produits alimentaires. Et malheureusement, la vente en vrac n'est pas une solution magique. Bref, la course contre la montre a déjà démarré. Et pour l'instant, c'est la planète qui prend du retard.