Sophie Lavaud (c) Didmax5X

À 55 ans, cette Française a escaladé les 14 plus hautes montagnes du monde

Sophie Lavaud peut être d’autant plus fière de son périple que, depuis cet été, elle est la seule Française et la 4e femme à avoir réussi ce challenge, sans jamais prendre la grosse tête. Une leçon de vie à réviser du haut de l'Himalaya.
  • Le 26 juin dernier, peu après 9h00 du matin, une expédition atteint le Nanga Parbat, neuvième plus haut sommet du monde dressé tout en haut de l’Himalaya à 8126 mètres. Ils sont une vingtaine à arriver, en comptant les sherpas de l'opérateur Chhang Dawa Sherpa. Leurs membres sont pour beaucoup en hypoxie (manque d’oxygène dans le sang à haute altitude qui pénalise les tissus), engourdis par le vent et le froid. Ils ne passeront que quelques minutes sur le toit du monde avant de redescendre, mais Sophie Lavaud peut être fière d’elle.

    Ce jour-là, elle est entrée dans la légende : nul Français (ni Française) n’avait réussi à gravir les 14 sommets de plus de 8000 mètres de la planète. Et puisqu’elle a aussi la nationalité canadienne et suisse, disons-le tout net : dans ces pays aussi elle fait figure de pionnière. En vérité, seules 4 femmes ont réalisé cet exploit avant elle. Sauf qu’elle n’est ni guide ni pro. La Française se voit comme une femme “normale”.

    « Chaque fois que j’avais des vacances, je partais en voyage pour faire un sommet. »

    Une danseuse sur un glacier

    Née en mai 1968 (mais en Suisse, à Lausanne) Sophie Lavaud est une petite révolution dans le monde de l’alpinisme car elle a commencé très tard et sans formation sportive autre que… la danse classique. Celle qui travaille alors dans l’événementiel a toujours aimé et pratiqué la montagne ; le ski, la randonnée, puis des treks avec sa mère, mais elle ne se destinait pas à un tel palmarès.

    Tout commence en 2004 quand elle décide, à 36 ans, de tenter l’ascension du mont Blanc avec un ami malade dont c’était le rêve. « Ça a été un déclic, a-t-elle confié à RFI. D’abord la découverte de la progression en piolet-crampons, et surtout le fait d’atteindre le point culminant de quelque chose. »  

    Dès lors, elle demande à un ami de la former et se fixe des objectifs au-dessus de 4000 mètres : « Chaque fois que j’avais des vacances, je partais en voyage pour faire un sommet, comme les volcans en Équateur, l’Aconcagua, le Kilimandjaro, d’autres en Bolivie, au Ladakh, au Népal… » raconte-t-elle encore. Il y aura un temps mort, une marche avant la grande montée. Car en 2012 elle s’essaie au Shishapangma, le plus petit des grands sommets avec 8020 mètres. Presque immédiatement elle rempile avec un second : le Cho Oyu, à 8201 mètres d'altitude.

    Ce que femme veut…

    Tout s’enchaîne alors. La recherche de financements pour les expéditions, les conférences et même un tournage lors de l’ascension des 8611 mètres du K2. Avec l’Himalaya aujourd’hui, elle boucle un cycle et est devenu un exemple. Alors qu'elle ne cherche pas la célébrité : « C'était vraiment un projet très personnel, je n'étais pas du tout dans une course aux records ». En fait derrière ces 14 sommets, il y a un défi lancé à elle-même. Celui de n’être stoppée par rien ni personne et d’aller là où elle a envie d’être.

    Celle que les alpinistes pros voient comme « Madame tout-le-monde » s’est donné les moyens d’y arriver. Vingt ans séparent le Mont Blanc de l’Himalaya et énormément de préparation et de sacrifices. Son secret ? La prudence et l’acceptation du renoncement. Elle a su abandonner quand une avalanche la menaçait et su trouver la détermination de revenir par la suite.

    Elle a aussi choisi une méthode old school avec groupe de sherpas et bouteille d’oxygène plutôt que jouer les baroudeuses. Mais aucune honte à cela : « Aujourd’hui, je suis aussi devenue, avec l’expérience, leader dans la prise de décisions et la stratégie d’ascension, mais je reste suiveuse sur la montagne ». Une sacrée leçon d’humilité dans un monde où le m’as-tu-vu est à la mode. Mais même devenue un role model, Sophie Lavaud ne prête pas attention aux médailles. Je ne revendique rien, et je n’ai rien à prouver ! C’est mon histoire, et je la vis à ma façon, comme j’aime ».

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