A Clermont-Ferrand, des lycéens créent des prothèses pour les amputés

Pas de bras, pas de… problème. Depuis des années, les imprimantes 3D permettent de venir en aide aux manchots du monde entier. Un service à la portée d’un enfant, si l’on en croit ce professeur d'Auvergne.
  • Yann Vodable est professeur d’ingénierie mécanique au lycée dans le Puy-de-Dôme. Quitte à faire concevoir, thermoformer et assembler des pièces en plastique à ses élèves, il leur a donné un drôle de devoir. Au lieu d’un jeu d’échec, les lycéens ont dû « utiliser l’impression 3D pour fabriquer une prothèse de bras en plastique sur-mesure pour une personne amputée ». L’enseignant a expliqué au journal La Montagne qu’il avait téléchargé des plans de prothèse de main en open source que ses 17 élèves ont d’abord dû adapter aux mesures demandées. Au final, limpression aura pris 30 heures, auxquelles se sont ajoutées 6 autres pour l’assemblage des pièces, reliées par le plus puissant fil de pêche.

    Avec le recul, Yann Vodable reconnaît que la main est imparfaite : il avait opté pour un bio-plastique à base d’amidon, mais celui-ci supporte mal les températures supérieures à 60°. Cela rend la prothèse plus adaptée aux enfants qu’aux adultes, qui peuvent avoir à faire de la cuisine par exemple. Ce qui ne rabaisse pas l’intérêt de cette main bionique.

    Reprendre la main sur le handicap

    Selon l’ONG Handicap International, 11,4 millions de personnes dans le monde ont subi une amputation de la main. Or, moins de 10% d’entre elles peuvent espérer porter une prothèse un jour. En cause, les technologies pas toujours accessibles et le prix, prohibitif. La plus simple prothèse de main souple mais non-articulée coûte 350 € en France, tandis qu’une version myoélectrique (réagissant à la contraction des muscles) peut monter jusqu’à 40 000 €. La main articulée réalisée par la classe de lycéens clermontois aura demandé... environ 50 € de matériel.

    Ce tour de force est possible grâce aux techniques d’impression 3D qui révolutionnent le monde des makers depuis bientôt 10 ans. On peut ainsi recréer un doigt manquant en copiant celui de la main opposée et le modélisant sur ordinateur avant de l’imprimer. En plus des imprimantes, cette communauté possède une arme fabuleuse : des échanges nourris et une solidarité sans faille. Ainsi pour avoir ses plans, Yann Volable les a récupérés par le site d’e-Nable, une communauté de makers dont la mission première est « de réunir et mettre en relation les personnes ayant besoin d’un appareil avec les personnes en mesure de le fabriquer ».

    Près de 10 000 bénévoles s’activent dans ce réseau pour fabriquer des prothèses de main ou de bras sur-mesure. C’est par l’intermédiaire d’e-Nable (jeu de mots sur « enable » : « rendre possible » en Anglais) que Yann a reçu en décembre la demande d’un Limousin amputé il y a 10 ans dont il a confié la réalisation à sa classe.

    Mais on pourrait aussi évoquer l’histoire du petit Maximilien : agénésique, cet enfant a grandi avec un bras imparfaitement formé. Jusqu’à 6 ans, il avait choisi de vivre ainsi mais c’était avant de voir les prothèses imitant le costume de Spiderman que réalisait Teddy Salas, autre maker de 32 ans. Il ne fallut pas longtemps pour que le petit Varois passe commande d’un bras bionique aux couleurs de Flash Gordon. Quelques 45 heures plus tard, Teddy avait imprimé un sourire tout neuf sur les joues de Maximilien.

    Un bon plan pour un coup de main

    Des fablabs où l’on s’échange des conseils et du matériel pour faire ces prothèses, la France en compte plusieurs. Le plus célèbre est sans doute MyHumanKit, à Rennes. Co-fondé en 2013 par Nicolas Huchet – lui même amputé d’une main qu'il a recréée depuis – cet atelier se veut être un « Human Lab », un lieu de fabrication de systèmes médicaux pour palier aux handicap : du fauteuil roulant en kit à la prothèse de main du Projet Shiva, en passant par un dispositif pour les personnes qui sont sourdes d’une oreille, les makers ne reculent devant rien.

    Et il y en a bien besoin. Pour le président d’e-Nable France, Thierry Oquidam, les hôpitaux français n’offrent que deux choix : « une prothèse esthétique, c’est-à-dire une fausse main qui prive du sens du toucher, ou des prothèses électriques qui coûtent entre 20 000 et 40 000€ et qui ne sont, la plupart du temps, que partiellement remboursées.» 25 enfants ont déjà pu retrouver une main grâce à l’impression 3D et aux généreux imprimeurs.

    Quant à notre professeur de techno, il ne s’est pas arrêté à son premier essai, et a soumis un second projet à ses élèves : « imaginer un bras en carbone avec des engrenages en acier pour avoir plus de force ».

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