Un jeu de cartes pour arrêter de fumer ? C'est l'idée géniale d'une soignante de Montpellier

« J'ai un parcours atypique » nous explique Barbara Rampillon et, effectivement, cette tabacologue cumule des expérience de sage-femme, ergonome et formatrice santé en entreprise. Autant de chemins qui l’ont amenée à concevoir une méthode différente pour traiter l’addiction, par le jeu.

Ici, ni dés ni plateau. Mais des cartes, ça oui. Et surtout, il faut au moins deux « joueurs » : un patient qui veut arrêter de fumer et son thérapeute qui essaie de comprendre pourquoi. Car, arrêter c'est viser un but.

Des cartes pour ne pas se laisser abattre

« Mon approche, explique la clinicienne, c’est de sortir de cette image lourde, de ce "combat". On dit qu’on "lutte" pour arrêter, qu’on "évite" de fumer... C'est dur. Il y a aussi un poids social : on doit souffrir pour en sortir et les efforts qui ne s’accompagnent pas de douleurs sont considérés comme fictifs. Mais la frustration, ça ne marche pas. Il faut surtout construire autre chose. Accompagner le changement. » Quitte à construire, le patient va commencer par fabriquer ses cartes, une par une.

A Montpellier, un jeu de carte aide à arrêter de fumer https://t.co/J1JWJG4jA9 pic.twitter.com/2a0Lm9ygMH

— France 3 Occitanie (@F3Occitanie) November 4, 2021

Des cartes d’objectifs d'abord, car on n'arrête pas de fumer sans raison. Pouvoir refaire du sport, arrêter de tousser, économiser… Après tout, on s’était déjà mis à fumer pour une raison : pour être comme tout le monde, être cool, ne pas stresser... Des cartes de situation ensuite, celles où on s’allume une cigarette ; cela peut être des conflits ou au contraire des moments de convivialité.

On retrouve bien sûr la carte « cigarette d’urgence », celle qui veut dire qu’on fume parce qu’on n’a pas trouvé d’autre option face à la situation. Mais c’est pour éviter d’avoir à la jouer qu’on va construire des cartes d’alternatives. Au fur et à mesure des séances, les échanges créent des cartes de situation : des expériences vécues pour dépasser les "cognitions", ces pensées préconçues qui nous minent. Petit à petit, on éteint l’impression brûlante que s’en griller une est la seule solution.

Quand on s’est sorti d'une situation sans cloper, on gagne une carte Gold. Pouvoir la sortir, c’est se rappeler qu’on l’a déjà fait, qu’on sait dépasser l’épreuve. Jusqu'au jour où l'on n’aura plus besoin de fumer ; on aura alors gagné le choix de fumer.

Déculpabiliser pour s’envoler vers ses objectifs

« StopSmokingAction n'est pas un vrai jeu, confie Barbara Rampillon, mais une approche d'accompagnement au changement appliqué au sevrage tabagique. » Derrière les cartes se cachent des Thérapies Comportementales Cognitives. C’est à dire des actions coordonnées ayant pour objectif de remplacer durablement les réactions problématiques qui entraînent des pratiques dangereuses. Car le véritable jeu se joue ailleurs que sur la table.

En 2018, la tabacologue a eu l'idée de concevoir ces cartes pour faciliter la compréhension de ses patients. « Ces cartes permettent de matérialiser les choses » et prendre conscience des comportements et des enjeux de chaque situation. « Le fumeur a une stratégie d’évitement. Il va "sortir" pour fumer, s’isoler. Même dans le langage, on "repousse" une dernière cigarette. Ici, on va plutôt transformer les pensées négatives en valeurs vers lesquelles on tend. » Comprendre ce qui se passe dans nos têtes et reprendre la main, c'est ce qui aide à décrocher.

4 patients sur 10 ont gagné la partie

Au sein de la clinique de Clémentville, Stop Smoking Action affiche déjà des résultats. « Je suis mes patients sur le long terme et on est passé de 37 % à 46 % d’arrêts de consommation maintenus depuis la création du jeu. » Des arrêts durables puisque les patients n’ont pas repris depuis. A défaut de stopper, les autres auraient également réduit leur consommation.

Barbara Rampillon peaufine encore le système et une version sera commercialisé en 2022 à destination des professionnels de santé et de prévention. Ceux-là même qu'elle a commencé à former à ses techniques. Mais sans attendre, elle a déjà élargi le champs de son action ludique.

Dissiper les fumées

Le 18 novembre, 15 professionnels de santé se sont enfermés le temps d’une formation transformée en « soirée enquête ». Pendant 2 heures, ils ont assisté à une scène théâtrale et tenté de dénouer une intrigue en interrogeant des comédiens infiltrés dont les rôles reprenaient les codes de profils-types d’addicts. Un événement organisé par l’APIE, une association de praticiens dédiés à promouvoir la santé sous un angle innovant, en partenariat avec le Manoir du Crime, une association d'évènement autour du jeu de rôle.

Alors même si 1 Français sur 4 fume tous les jours, et que le nombre de fumeurs est à nouveau à la hausse, la partie n'est jamais perdue. Vous pouvez maintenant glisser quelques cartes dans votre manche.

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