2022 M09 30
Avant c’était une belle pelouse, un jardin anglais de 360 m² bordé de jolis buissons taillés. Aujourd’hui, l’herbe a été retirée et des travées creusées pour faire place à un potager. Où sommes-nous ? au beau milieu de l’ambassade de Suisse à Colombo, capitale du Sri Lanka, mais on y fait désormais pousser des haricots, des aubergines du gingembre ou des patates douces…
Entire Swiss🇨🇭Embassy lawn transformed into a vegetable garden by the staff with great support of renowned🇨🇭company @A_Baur_Co . In times of suffering and on our National Day we want to set an example, show solidarity and will donate our garden produce to some of the poorest. pic.twitter.com/a3MLPoBe7P
— Dominik Furgler (@SwissAmbLKA) August 1, 2022
Il ne s’agit pas pour l’ambassadeur de faire de petits profits, mais de répondre à l’appel lancé par le gouvernement pour contrer la famine dont souffre le pays : 6,3 millions de personnes y sont en situation d’insécurité alimentaire selon la FAO, département de l’ONU dédié à l’alimentation, soit 30 % de la population.
Travailler moins pour cultiver plus
Après deux années de "mauvaises" récoltes, en partie pour avoir assaini l’agriculture en interdisant plusieurs engrais mais aussi à cause de la sécheresse, la production alimentaire du Sri Lanka a chuté de 50 % et est désormais insuffisante pour nourrir son peuple. En août, l’inflation a atteint +94 % (sur un an) à laquelle s’est ajoutée une dépréciation de la monnaie qui a mécaniquement augmenté le coût des produits importés mais aussi du carburant et des médicaments.
.#SriLanka 🇱🇰
— ONU Genève (@ONUGeneve) September 13, 2022
Selon @WFP_FR, 30% de la population est confrontée à une insécurité alimentaire aiguë. Leur situation devrait s’aggraver en l’absence d’une assistance adéquate.
📖 https://t.co/oxLooN6wxz@FAO @FAOSriLanka pic.twitter.com/nLSV3BGS1k
Une situation de crise généralisée qui a généré un mouvement de révolution ayant abouti à la prise d’assaut du palais présidentiel cet été. Mais avant cela, le gouvernement avait proposé aux 22 millions d'habitants de s’autonomiser. En particulier, le gouvernement a voté un jour de congé hebdomadaire pour tous les travailleurs du secteur public, le vendredi afin que ceux-ci puissent cultiver de quoi manger.
Cette recommandation est on ne peut plus sérieuse, puisqu’elle émane d’un rapport de la FAO qui encourageait les ménages à créer des potagers sur les balcons et dans les cours.
Les fonctionnaires sont donc passés à la semaine de travail de 4 jours pour se livrer « à des activités agricoles dans leur jardin ou ailleurs, comme solution à la pénurie alimentaire » et les collectivités (entreprises, administrations etc) ont été incitées à les imiter. Mais au fait, cultiver chacun chez soi, est-ce que c'est rentable ?
Tous fermiers ?
Remplacer l'agriculture par des potagers, une politique peu efficace. Car les exploitants organisés ont un bien meilleur rendement qu’une batterie de jardiniers. Le temps de travail en particulier et les rotations de cultures y sont plus rentables. Economiquement pourtant, le Sri Lanka avait peu d'alternatives : le pays avait déjà importé 930 000 tonnes de céréales au premier semestre 2022 alors que ses besoins sont estimés à 2,2 millions de tonnes, il y avait donc urgence et un important déficit commercial.
N'empêche : au moment où nous nous demandions s'il valait mieux arroser un golf ou un potager en période de sécheresse, les Sri Lankais avaient une bêche d'avance. Mais est-il possible de subvenir aux besoins alimentaires de sa famille avec un potager ?
De nombreux paramètres rendent difficile l’objectif de l’autosuffisance : fertilité de la terre, exposition, budget et temps disponible pour jardiner… Les Français consomment en moyenne 127 kilos de fruits et légumes (hors pommes de terre), les experts considèrent qu’il faut cultiver 250 m² pour pouvoir nourrir entièrement une famille de 4 personnes à l’année (en faisant des réserves pour l’hiver), ou 100 m² en se limitant aux saisons fructueuses. La permaculture améliore considérablement ce rendement mais les coûts fixes et le temps à consacrer restent important.
Sans aller jusqu’à l’autosuffisance, cultiver un potager personnel ou en jardin partagé garantit une base alimentaire plus nutritive et plus saine pour peu que vous n’utilisiez aucun engrais. Elle sera moins chère qu’au supermarché et disponible peu importe l’inflation ou les approvisionnements. Autant de raisons de mettre la main à la terre sur un balcon ou dans votre cuisine en complément de vos courses.