

Béthune, ville dans l'ancien bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, chauffée au grisou
Il a tué des milliers de mineurs. Le grisou, ce gaz tant redouté dans les mines de charbon du nord de la France, devrait bientôt jouir d’une meilleure réputation en devenant une source énergétique éco-vertueuse. La commune de Béthune dans le Pas-de-Calais utilise désormais le gaz de houille -son vrai nom- pour alimenter son chauffage urbain.
2022 M01 31
Béthune disposait d’un réseau de chaleur urbain parmi les plus chers de France pour chauffer notamment ses bâtiments publics ou ses logements sociaux. À la faveur d’un renouvellement de contrat – pour faire simple –, la mairie a voulu réfléchir à une offre innovante, plus verte et plus propre, avec des prix stabilisés dans le temps pour changer une installation vieillissante. « Dalkia, la filiale d’EDF, nous a proposé d’utiliser le grisou avec toute la symbolique que ça peut représenter pour rénover notre réseau de chauffage urbain dans un mix énergique qui récupère les calories des déchets incinérés du CVE, le centre de valorisation énergétique » explique Olivier Gacquerre, le maire de la commune. Et les élus ont dit banco pour ce projet qui voit enfin le jour après des années de conception et de travaux.
12 kilomètres de tuyaux, une nouvelle chaufferie et une station d’échanges de calories
Concrètement, l’énergie fatale du CVE, c’est-à-dire la chaleur dégagée par l’incinération des déchets est récupérée pour être mixée avec l’énergie dégagée par la combustion du grisou. Le tout chauffe l’eau qui, en bout de chaîne, circule dans les radiateurs des bâtiments pour le confort de tous. Techniquement, il a fallu construire une station d’échange de calories et une nouvelle chaufferie qui fonctionne déjà en énergie verte à 70%. « Notre réseau de chaleur urbain sera reconnu vert à plus de 90% à partir de 2036 ». La voirie a été généreusement ouverte pour faire passer les 12 kilomètres de tuyaux nécessaires au raccordement des immeubles au nouveau réseau de chauffage. Pour ce projet à 22 M€, la ville a touché des subventions de l’ADEME puisées dans le fonds Chaleur pour la transition énergétique et elle a remporté deux prix d’innovation.

« On a à peu près un siècle de gaz de mine de réserve sous nos pieds soit 900 Millions de tonnes stockés »
Aujourd’hui, environ 1700 logements sociaux et quelques bâtiments publics de la ville sont déjà chauffés grâce à ce mix énergétique au grisou. A terme, ce réseau vert devrait alimenter tous les équipements publics et les 6900 logements sociaux de la ville. Il pourrait même devenir intercommunal. Olivier Gacquerre ne cache son enthousiasme pour élargir son système de chauffage collectif so green à la communauté d’agglomération. « On a à peu près un siècle de gaz de mine de réserve sous nos pieds soit 900 Millions de tonnes stockés ». Alors, pourquoi s’en priver ? pense-t-on spontanément. D’ailleurs c’est plus que dans les tuyaux puisque le centre hospitalier de Béthune qui dépend de la communauté va être raccordé très prochainement et la gare SNCF aussi. Même des particuliers ont manifesté leur vif intérêt pour être chauffés au gaz de mine.

Une facture de chauffage presque divisée par 2
Avec la fin de l’exploitation des sites miniers français, des milliards de m3 de grisou inexploités sont restés enfouis dans les sous-sols et les milliers de kilomètres de galeries. Depuis quelques années, le gaz de houille est reconnu légalement comme énergie de récupération. De l’énergie verte, en somme. Et avec la flambée des prix de l’énergie, il est devenu plus que compétitif. « On va faire plus de 45% d’économie par rapport au réseau de chauffage urbain précédent soit 200 000€ par an sur le budget de la commune. Et dans un logement social, cela représente 450 à 500€ d’économie par foyer et par an ». Selon les estimations de la mairie, la captation du grisou, au lieu de le laisser s’échapper dans l’atmosphère, permettrait en plus de réduire de 35% par an ses émissions en mode gaz à effet de serre. What else ?