2023 M10 26
Depuis que le prix des énergies flambe, les budgets des boulangers explosent : ces commerçants ont parfois vu le coût de l'électricité se multiplier par 10 alors qu’une boulangerie moyenne consomme entre 74 000 et 99 000 kWh par an, dont environ 65% rien que pour la cuisson. Toute la profession est préoccupée. Toute ? Non. En Normandie, un boulanger gaulois résiste encore et toujours à l'inflation. Quand ses concurrents travaillent de nuit, Arnaud Crétot s’active en pleine journée, dans son jardin, à Montville. C’est là que notre boulanger a installé son four solaire.
Pétrin minet
Une cinquantaine de miroirs qui concentrent les rayons et l’énergie qu’ils dégagent vers son fournil. C’est comme si « on cuisait un cookie avec une loupe orientée vers le soleil, vulgarise le trentenaire à Basta! Magazine, mais en beaucoup plus puissant ». Bien qu’ingénieur de formation, Arnaud Crétot n’a pas conçu lui-même son four, ce sont les Finlandais de Solar Fire. Baptisé Lytefire, cette merveille atteint les 250 °C et sa contenance permet d’enfourner 38 kilos de pains.
La cuisson prend une heure, ce qui est plutôt long, et il faut régulièrement déplacer l’installation pour rester face au soleil. En compensation, la boulangerie solaire (la seule en Europe!) prépare 100 kilos de pain chaque jour, même en hiver avec 4 heures d’ensoleillement seulement. Et cela ne lui coûte rien en énergie et ne dégage aucune émission de CO2.
Décroissant ou pain au chocolat ?
Certain diront qu’un four électrique ne rejette pas de carbone non plus, mais Arnaud n'est pas d'accord : « Qu’elle soit d’origine nucléaire, carbonée ou renouvelable, la production d’électricité n’a jamais aucun impact, explique-t-il à Reporterre. Elle implique la construction de grandes centrales, la destruction de terres agricoles, de la pollution… » Sa boulangerie à lui se contente de regarder le soleil passer.
Évidemment, un tel gain cela nécessite quelques aménagements méthodologiques : ici, pas de pétrin mécanique ni de chambre froide afin de limiter les consommations énergétiques, Mais le plus gros changement est en cuisine. Car pour profiter du four solaire, le boulanger a dû repenser toute son organisation.
Ce boulanger normand cuit son pain... à l’énergie solaire ☀️🍞 https://t.co/LRzEHtffBN
— Reporterre | Le média de l'écologie (@Reporterre) July 11, 2021
Synchronisation des montres ! Ici, le temps où le soleil brille doit être dédié en priorité à la cuisson. Tout le reste doit avoir lieu avant ou après et s’adapter à la contrainte énergétique : mettre en place des préventes, choisir une farine adaptée « au levain, qui permet une plus longue conservation du pain » et organiser la livraison (en vélo cargo évidemment)... C’est bien simple, Arnaud Crétot a réinventé sa profession.
Boulanger 2.0
En 2019, il a lancé la coopérative NeoLoco et reçu les artisans qui voulaient apprendre sa méthode. Il a même posé les bases de son savoir dans son livre (La boulangerie solaire) et présenté son savoir-faire dans des écoles, des entreprises et auprès d’ingénieurs. Résultat, il a depuis formé 150 personnes.
Tous ont compris que l’avenir dépendait des économies d’énergie que leurs secteurs pouvaient faire. Et ils sont nombreux à utiliser des fours : brassage, torréfaction, stérilisation... D'autant que les plans des fours solaires sont disponibles en ligne et ne nécessitent pas de connaissance en électronique ou informatique.
L’énergie solaire a quand même ses limites : si 4 heures de soleil (même voilé) suffisent en général, les mauvais jours, Arnaud Crétot opte pour une four à bois, à l’ancienne. L’intermittence de la production solaire est d’ailleurs une critique fréquente. Mais pour égaler son Lytefire, il faudrait installer une ferme photovoltaïque de 70 m² et fabriquer une batterie pour stocker l'énergie générée. Alors que, le tournesol l’a prouvé, il est moins coûteux de s’adapter au soleil.
Photo de Une non contractuelle (MidJourney)