2023 M07 13
Quand, le 23 mai 2023, Torbjorn « Thor » Pedersen termine son périple aux Maldives, il devient la première personne sur terre à réaliser un tour du monde sans avion. Un exploit qui a débuté par un e-mail que son père lui a envoyé dix ans plus tôt sur des voyageurs de l’extrême : ceux qui ont mis un pied dans tous les pays du monde, c'est-à-dire moins de 200 personnes sur terre. À ce moment-là, Torbjorn prend une décision qui change sa vie : il veut lui aussi aller dans les 203 pays du monde (même ceux qui ne sont pas reconnus par l’Organisation des Nations unies comme le Kosovo, le Somaliland ou encore l’Abkhazie) et il compte bien le faire sans jamais monter dans les airs. En revanche, les transports publics, les trains, les bus, les voitures, les ferries, les bateaux ou encore les porte-conteneurs (il a voyagé 37 fois de cette manière) sont autorisés.
Le voyage débute à la fin de l’année 2013. Avant le départ, Torbjorn se fixe des règles : son budget quotidien pour voyager (nourriture, transport, hébergement, etc.) ne doit pas dépasser 20 dollars ; il doit passer au minimum 24 heures dans chaque pays ; il n’aura pas le droit de retourner à la maison avant d’avoir visité les 203 pays et bien sûr, interdiction de prendre un seul avion, même pour réaliser une très courte distance.
Le coup d’envoi est donné le 10 octobre 2013. Il se finit dix ans plus tard, en mai 2023. Durant ces dix années passées sur la route, Torbjorn a tenu un blog pour raconter ses péripéties — ses galères comme ses bons moments — pour lister les dates de tous les pays visités, mais aussi pour promouvoir ses missions effectuées pour la Croix-Rouge dont il est un ambassadeur. D’ailleurs, au début de son voyage, le Danois était sponsorisé par l’association, jusqu’en 2016. Il a ensuite continué son aventure, qui devait se terminer en 2018, en la finançant par ses propres moyens, mais aussi grâce à des campagnes de financement participatif.
L'école de la débrouille
Avec un budget de 20 dollars par jour, soit 18 euros environ, Torbjorn a surtout dû apprendre à se débrouiller et à négocier, que ce soit avec les sociétés de transports ou avec les autorités, notamment lors des demandes de visas. Un exemple :
« Quand j'ai voulu partir en Iran, je me suis rendu à l'ambassade iranienne au Koweït pour demander un visa. Au début, mes interlocuteurs n'ont pas compris pourquoi je ne voulais pas prendre l'avion. Ils me disaient : ‘‘en volant, vous pourrez obtenir facilement un visa dans les différents aéroports du pays’’. J'ai refusé. Cela m'a pris un mois pour avoir le précieux sésame », raconte le Danois au journal le Figaro.
En République du Congo, il voyage sur les toits des camions. Entre le Venezuela et les îles de Trinité-et-Tobago, il navigue sur un petit bateau avec deux étrangers sans aucune protection. À la frontière camerounaise, il se fait arrêter par des militaires « alcoolisés et armés » (sic) qui étaient hostiles envers lui — avant de le laisser passer au bout de 45 minutes sans rien dire. Mais malgré toutes les galères, le Danois continue son périple. Que ce soient les tempêtes avant de prendre un bateau, les problèmes sanitaires — comme Ebola en Afrique ou plus tard le Covid-19 — ou les soucis administratifs ou de corruption, Torbjorn a survécu à tout.
En 2020, Torbjorn est à Hong Kong quand la pandémie du Covid-19 se propage. Le Danois reste bloqué deux années sur place avant de pouvoir reprendre son voyage — l’autre solution aurait été de monter dans un avion pour rentrer chez lui. Quand il peut enfin poursuivre son tour du monde, il est rattrapé par l’administratif et les demandes spécifiques de chaque pays : « certains pays demandent encore des tests PCR moins de 24 heures avant le départ. Or, d'autres vivent comme s'il n'y avait plus de virus. Je dois prendre en compte ce type d'aspects. Aussi, certains bateaux ne veulent plus courir le risque de prendre un membre qui ne ferait pas partie de l’équipage », explique-t-il.
Au total, Torbjorn a visité 203 pays et parcouru 360 000 kilomètres en 3512 jours. Tout au long de son voyage, il s’est aussi rendu compte de l’importance de l’avion dans les itinéraires, et ce partout dans le monde. « De plus en plus de liaisons par ferry ont disparu et ont été remplacées par des avions », note le Danois dans cette interview pour ABC en Australie. Un constat également partagé au Figaro : « Quand j'ai quitté le Danemark, j'avais repéré des lignes de ferries sur certains territoires. Et puis quand je suis arrivé, ces connexions n'existaient plus. ». Un problème de taille puisque le secteur aérien représentait, en 2019, 2,4% des émissions mondiales de CO2, et que les avions moins polluants ne seront pas prêts avant plusieurs années. Torbjorn a donc prouvé qu’il était possible de voyager en réduisant son impact carbone. Durant les dernières années de son périple, le Danois a travaillé sur un documentaire et sur l’écriture d’un ouvrage. Histoire de poursuivre son aventure, mais d'une autre manière.
Crédit photo : @Instagram Torbjorn