papys cuisine (Leonardo)

Dans cette maison de retraite, tout le monde cuisine (et chacun vieillit mieux)

C’est un des critères du label Humanitude qui garantit le « bien vieillir » à tous ses résidents. Objectif : rester actif pour conserver son indépendance et vivre plus longtemps en bonne santé.
  • Deux ans après Orpea, le scandale des Ehpad Erema a rappelé combien « bien vieillir » reste un enjeu de taille. Dans une société qui se sédentarise et vit de plus en plus longtemps, il ne s’agit plus de prolonger la durée de vie mais bien d’assurer une qualité de vie (physiquement, mentalement et socialement) aux personnes qui vieillissent. Dans l’Yonne, un Ehpad semble avoir trouvé une recette qui "marche" pour satisfaire ses résidentes et résidents. Et pour la comprendre, il faut se glisser en cuisine…

    Danse avec le (Saint-)Loup

    Bienvenue à la résidence Saint-Loup. À mi-chemin entre Auxerre et Troyes, se trouve un parc de 11 hectares accueillant une école, un centre de loisirs et un Ehpad pas comme les autres : le Hameau la Loupière.

    À leur arrivée, des reporters de France Info ont trouvé une dizaine de seniors, économes et couteaux en main. Les résidents préparaient des légumes pour une soupe servie au dîner le soir. Car ici, pas de cantine mais un restaurant, avec une bouteille de vin posée sur les nappes et un apéritif le week-end. La belle vie.

    Mais pourquoi confier le boulot aux cuisiniers quand on peut laisser cette activité aux convives ? Pour rester actif, pardi ! L’activité est ce qui retarde le mieux la dépendance physique et la verticalité entretient l’autonomie. Alors la maison multiplie les activités debout car, comme l’explique la directrice adjointe, Angélique Rodon, « c’est aussi moins lourd pour les aides-soignantes, en particulier lors des toilettes ». Et la préparation des repas n’est pas la seule initiative favorisant l'interaction sociale et l'activité.

    On laisse pas mémé dans un coin !

    Des activités sont organisées avec les écoliers voisins, développant des liens « et une admiration réciproque » décrit le président de l’association, Gérard Clémencelle. Par exemple, ils cueillent du muguet, partagent la galette des rois, organisent des spectacles les uns pour les autres et travaillent à la serre.

    Les résidents font 20 minutes de marche par jour et, lors des animations, personne ne reste en chambre ; surtout pas les résidents à mobilité réduite. Le personnel – qui ne porte pas de blouse car on n’est pas à l’hôpital – va toquer aux portes et aide chacune et chacun à se joindre aux autres. Ce ne sont d’ailleurs pas des chambres mais des appartements où les 75 résidents vivent comme ils le souhaitent. De même, leurs familles entrent et sortent librement.

    Autant de critères propres à l’« Humanitude ».  On dirait un terme inventé par Ségolène Royal, mais c’est un label précieux dont s’honore la maison de retraite depuis 2019.

    Mieux vivre pour mieux vieillir

    C’est l’association Asshumevie qui a créé ce label pour « réhabiliter dans leur dignité les personnes fragilisées » dans leurs soins. Une trentaine d’Ehpad en France remplissent les conditions pour obtenir ce gage de bientraitance.

    Les critères concernent autant les soins prodigués que les liens sociaux maintenus. Au hameau la Loupière, on limite ainsi le recours au médicaments, on a introduit la musicothérapie, on élargit le nombre et le type d’activités, on laisse le choix des repas et on accompagne ces décisions par des moyens (notamment en assistant les convices plutôt que de mixer leurs repas).

    « Nous n'en ferons pas des gens qui vont s'inscrire aux Jeux olympiques, c'est certain. Mais nous allons en faire des personnes qui ont plus d'autonomie, sourit le directeur de l’EHPAD, Pierre Kucharski. Le taux de grabatisation diminue, nous avons des statistiques qui le prouvent. »

    Si on ne peut pas empêcher le vieillissement, on peut l’empêcher de rendre une personne dépendante et lui permettre de vivre mieux jusqu’au bout. Cela nécessite plus de personnel et coûte évidemment bien plus cher. Mais c’est le prix à payer quand on préfère avoir des papys et des mamies autonomes que des pensionnaires réduits à des chiffres dans un tableau Excel.

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