2022 M09 13
Chaque année, ce sont 1,5 milliards d’usagers qui empruntent les longs couloirs du métro parisien pour leurs trajets du quotidien, dont pas moins de 49 millions de personnes à la Gare du Nord et 45 millions à la Gare Saint-Lazare. Et à chaque passager correspond un geste extrêmement banal : faire avancer le tourniquet. Un geste qui pourrait être la solution pour produire de l’électricité verte ?
C’est l’idée explorée par des étudiants de Junia, une école d’ingénieurs basée à Lille, qui ont travaillé toute l’année à la conception de tourniquets futuristes dont le design ressemble à des pâles d’éoliennes. "Elles fonctionnent un peu sur le même principe qu’une éolienne classique ou qu’une dynamo, sauf que ce n’est ni le vent, ni la roue de vélo qui fait tourner le moteur, mais l’action du passage du corps" précisait l’étudiante Gaëlle Le Borgne au mois de juin dernier lorsque le dispositif a été testé à Paris, à la station Miromesnil, en partenariat avec le fournisseur d’électricité Iberdrola.
Ainsi, à chaque passage, les tourniquets produisent de l’électricité qui peut ensuite être stockée dans des batteries ou réutilisée directement dans le réseau. Pour le test effectué à Paris, elles servaient surtout à alimenter des panneaux numériques postés de part et d’autres des tourniquets afin de sensibiliser à cette opération. Mais à terme, le système pourrait permettre, en récupérant l’énergie des tous les usagers du métro, de fournir une plus grande part d’électricité verte.
Une inspiration venue de l’horlogerie
Ici, l’un des principaux challenges a notamment été de fabriquer suffisamment d’électricité grâce à un geste très court, puisque passer le tourniquet ne représente pas un tour complet, mais seulement un tiers de tour. Mais en s’inspirant de mécanismes propres à l’horlogerie, les ingénieurs ont pu en tirer le meilleur.
Autre fait intéressant, ce projet a été travaillé en éco-conception pour garantir une réelle durabilité au dispositif. Ainsi, les tourniquets-éoliennes ont été fabriqués à partir de PLA, une matière biodégradable à base d’amidon de maïs, donc entièrement naturelle, et ils ont été imprimés en 3D afin de limiter l’utilisation de matière au strict minimum.
En deux jours, les 27 000 passagers qui sont passés par les six tourniquets ont ainsi généré 2 160 Watts d’électricité. Un montant symbolique, qui prouve cependant que le système fonctionne. S’il était déployé dans toutes les stations du métro parisien, il permettrait de fournir l’électricité annuelle de 56 appartements parisiens. Et si celà ne changera peut-être pas la face du monde, cela prouve néanmoins qu’il est possible de fabriquer de l’électricité à partir de nombreux usages du quotidien.
Produire de l’électricité avec des usages du quotidien
Cette manière de produire de l’électricité verte en se basant sur nos déplacements quotidiens n’est pas nouvelle et démontre l’univers de possibilités qui s’offrent à nous dans le cadre de la transition énergétique. Cela rappelle, par exemple, la route photovoltaïque inaugurée en Normandie en 2016. Pavée de dalles solaires sur un kilomètre, elle préfigure une possibilité pour l’avenir : utiliser le réseau routier (plus d’un million de kilomètres au total) pour produire de l’énergie verte sans artificialiser les sols.
Il existe aussi d’autres solutions alternatives qui cherchent à utiliser l’énergie du mouvement pour créer de l’électricité. Il y a certaines expérimentations qui sont en cours, par exemple dans les salles de sport, pour transformer les mouvements des cyclistes et autres rameurs pour créer de l’électricité.
En France, le gouvernement prévoit ainsi de porter notre production d’électricité verte à 30% de la production totale d’ici 2030. Pour cela, les éoliennes - notamment les éoliennes en mer - et les panneaux solaires représentent l’avenir. Elles pourraient être ponctuellement renforcées par ces innovations qui nous démontrent bien une chose : si en France, on a toujours pas pétrole, nous avons encore des idées et de l’énergie à revendre.