(c) willagri

En Afrique, les femmes gagnent leur indépendance grâce à l'agriculture

Si l’Afrique mange, c’est pour beaucoup grâce aux femmes qui cultivent ses terres. Mais, triste paradoxe, moins d’1 sur 6 les possèdent… Des associations tentent d'inverser les rôles.
  • A Tunis, début septembre dernier, se tenait un atelier nommé "Femmes et terre" qui démontrait tous les avantages à être propriétaire de son logement. Niveau de vie, santé, accès à l’éducation… les bienfaits sont autant économiques que culturels et sociétaux. Hélas trop souvent dans les pays du Sud, ils ne profitent qu’aux hommes. Car si les femmes rencontrent des difficultés à devenir propriétaires de leur logement, c’est encore plus vrai en matière d’exploitation foncière.

    En Tunisie, le sociologue Walid Ben Omrane a constaté que les femmes représentent 80 % de la main d’œuvre agricole. Et ce n’est pas un cas isolé : ce chiffre est de 70 % en moyenne dans les pays du Sud de l’Afrique. Mais toutes sont cantonnées au rôle d’ouvrières. Jamais de patronnes.

    70 % de la main d’œuvre, mais 15% des propriétaires

    A peine 5 % des femmes d’Afrique du Nord possèdent la terre qu’elles cultivent… Dans le monde, on fixe ce chiffre à 15 %, ce qui signifie que moins d’1 propriétaire foncier sur 6 est une femme. D’où viennent ces différences ? De traditions séculaires (héritages, divorces) et de méconnaissances (stéréotypes anthropologiques, mythes…) qui aboutissent encore trop souvent à une distribution genrée des rôles aux champs.

    part des femmes rurales propriétaires (c) Willagri

    L’ex-Directeur du développement (durable) au ministère des Affaires étrangères, Pierre Jacquemot, expliquait que les paysannes africaines « consacrent entre 15 et 22 % de leur temps aux travaux domestiques, 3 à 7 fois plus que les hommes ». L’équivalent de 8 à 10 heures de tâches supplémentaires hebdomadaires, qui les empêchent de progresser dans leur travail.

    Discrimination à la bêche

    Les femmes subissent aussi la mise à distance de l’éducation : seules 39 % des filles rurales accèdent à l’enseignement secondaire et deux tiers des analphabètes dans le monde sont des femmes. Enfin, elles sont aussi écartées des banques : elles ne reçoivent que 10 % du crédit disponible en Afrique de l’Ouest (source Alimenterre 2018), empêchant l’achat d’intrants et de machines.

    Résultat : la sociologue Dorra Mahfoudh a constaté que si le niveau d’études des Tunisiennes progresse, celles-ci s’appauvrissent rapidement. Pour renverser cette situation, les associations s’activent sur le continent pour former celles qui pourraient faire tourner les tables. Au Maghreb et en Afrique de l’Ouest, l'asso GRDR a ainsi dispensé des formations auprès de 200 femmes dans une douzaine de communes pour apprendre à plaider et gouverner. De quoi faire face aux pouvoirs publics, se défendre et obtenir des aides.

    De la mère à la terre

    Pour renverser les rapports de force, Walid Ben Omrane recommande de « nouvelles formes d’organisations syndicales des femmes travaillant dans les régions rurales ». En plus de pouvoir mettre leurs économies en commun pour épargner ou acheter des terres, ces fédérations sont plus à même de garantir une production constante et concurrencer les micro-exploitants masculins face aux banques et collectivités.

    En République démocratique du Congo, Grâce Maroy a ainsi lancé Mwanamke Kesho, (« La femme de demain »), une association qui met à disposition des Congolaises des champs communautaires pour prendre leur indépendance et nourrir leur famille sans dépendre d’hommes.

    Elle a depuis démarré un second projet : Mwanamke Kesho a remis une quinzaine de cochons à 25 femmes célibataires pour démarrer un élevage. La porcherie compte aujourd’hui 70 têtes et leurs déjections sont récupérées par les agricultrices comme fertilisant.

    A seulement 24 ans, Grâce Maroy a reçu le prix African human rights par une ONG néerlandaise. Mais il reste tant à faire... C’est ce que promeut la Journée Mondiale de la condition des femmes rurales, le 15 octobre. Les femmes propriétaires accèdent aux intrants et décuplent leur productivité, ce qui n'est plus seulement une avancée sociale, mais un enjeu capital pour la sécurité alimentaire mondiale.

    A lire aussi