cafe joyeux (c)

En cuisine comme en salle, les restos recrutent de plus en plus de personnes trisomiques

Une chance pour ces personnes encore trop souvent victimes de discrimination, mais aussi pour le secteur qui fait face à une pénurie de personnel.
  • A l’occasion de la journée mondiale de la trisomie 21, un café d’un nouveau genre a ouvert mardi 21 mars à Nantes : le Café Joyeux, repérable au jaune franc de ses façades près de la Place Royale. Mais c’est son personnel qui fait le plus parler. A la caisse, en cuisine et en salle, tous les équipiers sont en situation de handicap mental et cognitif. Dont beaucoup atteints de trisomie 21. Une exception ? Non : cette chaîne compte une quinzaine de cafés et embauche déjà près de 150 équipiers.

    Il ne s’agit pas d’une école, mais bien d’un emploi, le plus souvent en CDI. Bien sûr, l’établissement s’est adapté à ces employés hors normes, en formant ses managers à les encadrer et accompagner mais aussi en aménageant le temps de travail : les équipiers font entre 17 et 35 heures hebdomadaires.

    Un "vrai métier" qui permet souvent de surpasser leur handicap pour prendre pour la première fois leur indépendance en quittant le foyer parental. Car les Cafés Joyeux ne sont pas les seuls à effectuer ce changement.

    Top Chef (d’Etat)

    Cela fait 20 ans cette année que le chef Benoît Flahaut a lancé le concours l'Assiette Gourm'hand à Bailleul, dans le Nord. La spécificité de ce "Top chef", qui a lieu chaque année dans les cuisines du lycée professionnel Sainte-Marie ? Il réunit des cuisiniers en situation de handicap tous plus talentueux les uns que les autres. La preuve, c’est Pierre-Henri Masson. Vainqueur du concours en 2014, ce jeune cuisinier trisomique de 23 ans a été invité à cuisiner… à l’Élysée.

    Mais loin des ors du palais et en dépit de préjugés infondés, ce concours permet aujourd’hui à des dizaines de personnes de montrer que, peu importe leurs déficiences ou leurs différences, ces chefs sont capables et fiables.

    « On a des personnes en situation de handicap qui sont prêtes à bosser, décrit le chef Benoît Flahaut à la Voix du Nord, et aussi compétentes que les autres. Ils ont parfois besoin d’adaptations mais compensent par la motivation ! ». Car la trisomie 21 n’est pas une maladie, mais une anomalie génétique. Si elle se manifeste souvent par une déficience intellectuelle légère, celle-ci est variable et les adultes trisomiques sont parfaitement formables. Et donc, à terme, employables. C’est pourtant d’être une réalité.

    Deux fois plus de chômeurs mais une force pour l'emploi

    En France, 65 000 personnes sont porteuses de trisomie 21. « Elle sont 2 à 3 fois plus touchées par le chômage que le reste de la population » précise le site des Cafés Joyeux. Majoritairement, les personnes trisomiques travaillent dans des ESAT (Établissement & Service d'Aide par le Travail, des structures associatives médico-sociales) et seuls 3,5 % des personnes souffrant de handicap travaillent en entreprises « classique ». Cela tombe bien car le secteur en a grandement besoin.

    Depuis les confinements de 2020, l’activité du secteur a chuté et la main d’œuvre s’est raréfiée. Et ce alors même que les recrutements étaient déjà difficiles... Les conditions exigeantes (horaires décalés, nombre d’heures important) pour une rémunération moyenne font que la restauration fait face à une pénurie : cet hiver on comptait 300 000 offres non pourvues malgré 6 millions de chômeurs en France.

    Afin de profiter de cette brèche, les associations et ESAT multiplient les formations diplômantes pour que les personnes atteintes de trisomie 21 puissent être embauchées. D’autant que des aides patronales existent (dispositif Agefiph) et que les aménagements nécessaires sont moindre comparés à d’autres handicaps. Il est donc temps que la discrimination soit renvoyée en cuisine et que les clients s'habituent à voir fleurir de nouveaux sourires sur leurs serveurs.

    Retrouvez sur MyCanal "L'Épopée Joyeuse", l'histoire de Charlotte, Stéphane et Nicolas, souffrant de déficiences mentales et qui, pour la première fois de leur vie, signent un CDI aux Cafés Joyeux.

    Crédit photo de Une : Café Joyeux (c)

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